vendredi 21 février 2014

Enseignant(e) et éducateur (trice) : quelle complémentarité pour agir ensemble ?


Au Québec, dans les classes d'adaptation scolaire une technicienne en éducation spécialisée (TES) intervient aux côtés de l'enseignante. En France, c'est une auxiliaire de vie scolaire collective (AVS-Co) qui remplit ce rôle. Dans les établissements médico-sociaux, un(e) éducateur(trice) collabore parfois dans le cadre de la classe avec l'enseignante. Ces coopérations doivent permettre aux élèves d'être mieux accompagnés pour apprendre mais elles posent souvent de délicats problèmes d'ajustement des rôles et des actions de chacun. Suite à une visite de classe, voici ce que j'écrivais à une étudiante à ce propos :

"Vous soulevez là un problème qu’on voit souvent dans les classes, qui est très délicat étant donné la proximité des professions sur le terrain d’exercice. Cependant, il est possible de proposer des repères pour alimenter la réflexion et favoriser la bonne évolution d’une situation. Pour l’essentiel, il s’agit de bien positionner ce qui constitue le cœur de métier de chacun et de chacune, ce qui est au fond irremplaçable dans ce qu’il ou elle fait. 

Il est tout à fait légitime que vous portiez la responsabilité de la conduite pédagogique de la classe. Le rôle de l’éducatrice est d’y contribuer par les interventions propres à sa profession. A cet égard, il convient d’être prudent dans le désir de lui voir « prendre des initiatives pédagogiques » selon votre expression. La pédagogie est (étymologiquement) l’art spécifique de conduire les élèves à réaliser des apprentissages. Cet art de faire s’appuie sur l’observation du donné - telle que vous l’avez si lucidement conduite plus haut – et ouvre sur l’élaboration de projets d’apprentissage adaptés à l’élève et visant à le faire progresser vers son émancipation, vers la possibilité de s’affirmer et de se reconnaître comme sujet de son existence pour soi, avec autrui et en société. Cette visée n’est nullement limitée à être adaptative, ré-adaptative, ou réparatrice. Ce qui la distingue radicalement de toutes les visées des autres professions intervenantes.
Ainsi « les techniciens et techniciennes en éducation spécialisée sont des spécialistes qui apportent une aide appropriée aux enfants, aux adolescents et aux familles qui font face à des difficultés d'ordre social, d’ordre émotif ou de comportement. Ils sont formés pour intervenir en relation d'aide. Ils doivent maîtriser un ensemble d'aptitudes qui leur permettent de jouer des rôles variés, notamment la capacité de cueillir, d'analyser et d'utiliser de l'information afin de favoriser une démarche d'adaptation. Ces techniciennes/techniciens sont donc appelé(e)s à intervenir sur le plan de la rééducation ou de l'intégration sociale et à contribuer à l'épanouissement des individus[1]. »
(http://www.carrieresensante.info/tech_education.php) (c’est moi qui ai souligné)
Même si dans l’action, ce n’est pas toujours facile à caractériser, on voit que le cœur de métier de l’éducatrice, c’est la relation d’aide, c’est à dire, dans le champ du handicap, la compensation et l’adaptation pour soulager l’inconfort de la situation de la personne du fait de ses incapacités. Pour reprendre une modélisation qui nous est devenue familière ( ! ), si l’on voulait inscrire le travail de l’éducatrice dans le triangle de Jean Houssaye, celui-ci se réduirait à un segment ; le pôle « savoir » n’existe pas, il n’est pas visé. Est-ce à dire pour autant qu’il n’existe pas ? Non, bien sûr ! Incidemment, toute relation d’aide peut produire de l’apprentissage (voir les propos sur l’éducation de Carl Rogers ) mais ce n’est pas sa visée.
On peut provisoirement résumer les choses ainsi :
L’éducateur travaille sur la relation avec l’éduqué et incidemment, ce dernier apprend des choses.
Le pédagogue crée des situations favorables aux apprentissages de l’élève et incidemment, ce dernier en reçoit des bénéfices d’ordre relationnels (affection, estime, modèle social…)  qui l’aident.
Sur cette base, vous pourriez conforter votre collègue éducatrice dans sa propre mission selon ses compétences, essentiellement : aider et observer afin de favoriser le profit que vos élèves peuvent faire de votre action pédagogique. Et ce n’est pas rien car elle devrait ainsi être en mesure de vous donner sur le vécu de vos élèves de précieuses indications propres à orienter votre action. Dites-lui ce que vous ambitionnez de faire acquérir à vos élèves et indiquez-lui quand et comment elle peut y contribuer. Réciproquement, demandez-lui comment vous-même vous pouvez contribuer à faciliter l’accomplissement de sa mission. Ces choses étant dites, il devient beaucoup plus facile d’agir ensemble, c’est du moins mon expérience."



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