Du 7 au 12 octobre, nous avons animé des ateliers avec les enfants des écoles et du centre social pour inaugurer l'installation d'une équipe de médiateurs musicaux APPROSH à Méru (Oise).
Nous avons donné une conférence et un "show" jeudi en fin de journée, en présence parmi le public, de membres du conseil municipal, de responsables associatifs et de responsables de clubs services (Rotary, Lyons).
Voici le propos que j'ai tenu en conclusion de la conférence de présentation :
"On nous interroge
souvent sur l'impact d'APPROSH. Et en tant que chercheur, je suis interpellé
par les commanditaires de ce dispositif d'intervention pour l'implanter dans
différents milieux. On me demande si en ma qualité de chercheur, je vais
pouvoir conduire une évaluation scientifique de l'intervention à propos de ses
effets sur les destinataires. Et si je pouvais le présenter dans un tableau
Excel avec des petits camemberts, des courbes et des graphiques, pour les
gestionnaires, ce serait encore mieux. Je suis irrémédiablement et à mon grand
regret obligé par honnêteté de les décevoir.
Ce que ça change,
l'impact comme on dit abusivement, n'est pas spécifiquement pour les personnes
autistes ou TGC (ayant selon les spécialistes un trouble grave du comportement, qu'on serait mieux inspiré de nommer "comportement gravement troublant"), il est pour tous ceux qui ont créé du commun par la musique.
Quand vous avez joué de la musique, partagé une émotion esthétique avec quelqu'un,
il ne vous est jamais plus indifférent. Vous avez été changés tous les deux et
au-delà du moment musical, vous vivrez une complicité, vous développerez un
lien social qui vous transforme tous les deux.
Parce que nous
ouvrons cette pratique musicale et communautaire à la diversité des allures de
vie, parce qu'on y fait une place de choix aux personnes ayant reçu des
diagnostics stigmatisants, les personnes autistes par exemple, ou celles qu'on
nous a présentées comme ayant un trouble grave du comportement, on nous demande
souvent ce que notre pratique musicale change chez ces personnes destinataires
privilégiées de cette pratique. La réponse honnête, c'est rien ou presque.
D'ailleurs qui sommes-nous et de qui détiendrions-nous l'autorité, le mandat de
les faire changer. Elles-mêmes ne nous l'ont jamais demandé. Ce qui change,
c'est notre relation avec elles. C'est nous-mêmes qui cherchons à faire une
communauté humaine avec elles et à inviter toute personne de bonne volonté à
entrer dans cette musique-là.
Alors, ça ne change
rien si rien ne change dans les situations et les contextes dans lesquels on
fait vivre ces personnes. Ça ne change rien qu'on puisse démontrer
indubitablement si on place les personnes dans des contextes qui ne
fonctionnent pas selon les mêmes valeurs, la même éthique de la relation.
Lorsque nous formons
des stagiaires, nous ne leur promettons pas qu'ils ou elles auront le pouvoir
de faire changer leurs patients, leurs élèves, leurs usagers, leurs clients,
leurs jeunes. Nous les invitons à entrer par la musique, par la pratique musicale
rythmique dans un nouveau mode de relation avec celles et ceux qui leur sont
confiés afin de les envisager tout autrement non seulement dans le moment
musical mais tout au long de la vie commune. La musique est, dans le moment
musical, l'institution qui nous réunit et qui règle ce que chacun et chacune
doit y faire pour y tenir sa place.
La recherche revient
ici sous l'angle de l'observation minutieuse et attentive de ce qui se passe
pour tous les participants sous 4 angles essentiels : les apprentissages, les
initiatives créatives, les relations, les émotions.
Quand vous commencez
à voir l'autre sous l'angle de ses capacités, de son désir créatif, il n'est
plus le même et vous non plus. Vous vous mettez à parier sur l'avenir, vous
vous mettez à penser à tout ce qui pourra sortir de beau et de bon de votre
relation, de votre collaboration, de vos projets communs, de vos créations
artistiques à venir.
La condition pour
que ça marche, APPROSH, c'est de se laisser transformer par la rencontre avec
l'émotion musicale, esthétique, partagée avec autrui, et de faire en sorte que
cette expérience ne reste pas circonscrite à la musique, mais s'étende à tous les
moments de vie partagée.
Alors, s'établit
entre tous les participants, quel que soit leur statut, leur rôle, leur allure
de vie ou leurs capacités, une communauté inclusive au sein de laquelle chacun
et chacune est reconnu comme unique et irremplaçable. On vit ensemble des événements,
des présentations publiques par exemple, qui finalisent notre aventure commune
et qui font date dans l'histoire personnelle de chacun et chacune. Alors, là, oui, ça change tout, et pour tous
!