mercredi 3 novembre 2021

Tournage d'une capsule sur l'EDI (équité, diversité, inclusion) à la Faculté des sciences de l'éducation

La faculté des sciences de l'éducation m'a demandé de répondre à quelques questions dans le cadre de la production de 3 capsules vidéo sur le thème "Equité, Diversité, Inclusion" en éducation, et, plus particulièrement pour ma part, en matière de services à la collectivité. 

La capsule sera bientôt diffusée. Mais dans les 3 minutes de sa durée, je n'ai pas pu y exprimer la préparation écrite que j'avais faite sur la base des questions qu'on m'a adressées. Voici mon brouillon

Questions des entrevues

1. Pouvez-vous vous présenter (nom + titre)? Jean Horvais, professeur au département éducation et formation spécialisées
2. En quelques mots, pouvez-vous résumer votre parcours?
J’ai commencé étant enfant par faire une carrière scolaire de trublion. Aujourd’hui, on me mettrait sûrement dans la catégorie Troubles du comportement et avec une bonne médication, l’école me supporterait peut-être mieux.
J’ai fait une carrière d’enseignant en France pendant 30 ans auprès de (presque) tous les âges et les conditions d’élèves enfants et adolescents. Ceux qui m’ont le plus intéressé et appris sont les élèves institutionnellement désignés comme vivant avec une déficience intellectuelle et/ou un TSA. Ils m’ont donné envie de reprendre des études universitaires et de faire une thèse sur leur désir d’apprendre. 

3. Pourquoi avez-vous voulu devenir professeur.e ? 

Parce que j’avais envie de poursuivre ma réflexion et mes recherches tout en me donnant l’occasion de partager mon expérience avec de jeunes collègues si possibles passionnées comme moi de pédagogie et d’éducation. 

4. Que signifie pour vous les principes d’Équité, Diversité et Inclusion dans votre travail?

Offrir à toutes les personnes qui viennent étudier, qui ont le désir d’apprendre, un environnement de travail, en particulier des cours, qui rende les connaissances accessibles quelles que soient leurs allures de vie et d’apprentissage.

Cela concerne aussi la recherche : penser ses recherches comme des occasions de connaitre et faire connaitre la diversité des talents des personnes et la diversité des initiatives qui cherchent à développer une société inclusive. Penser une recherche humaine pour laquelle « il n’y a pas de vie minuscule » (Gardou, 2012).

Et enfin, cela concerne le service à la collectivité : contribuer à faire de l’université un lieu accessible voire familier à tous même si on n’y poursuit pas d’études. (La générosité des personnes institutionnellement catégorisées comme vivant avec un DI ou un TSA pour venir à l’UQAM parler de leur condition, de leurs créations, (DOD) et aussi leur fierté de participer à des recherches, de nous recevoir dans leurs lieux de vie pour imaginer ensemble comment développer une vie commune).

5. Pourquoi est-ce important pour vous? 

Parce que c’est de l’ordre des droits humains. Si des personnes sont privées de leurs droits à contribuer à la richesse humaine de notre société et sont privées d’en être aussi les héritiers, c’est que nous sommes dans une société d’Ancien régime, une société de privilèges pour les uns et de minorité pour d’autres. Ce n’est pas acceptable. « Si tous les êtres, et les plus humbles, n'entrent pas dans la cité, je reste dehors ». J.Michelet souvent cité par Jean Jaurès

6. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser à ces questions?

« Si l'art d'instruire ne prend pour fin que d'éclairer des génies, il faut en rire, car les génies bondissent au premier appel et percent la broussaille. Mais ceux qui s'accrochent partout et se trompent sur tout, ceux qui sont sujets à perdre courage et à désespérer de leur esprit, c'est ceux-là qu'il faut aider ». Alain Propos sur l'éducation.

En 40 ans d’activité de pédagogue, à quelque public que j’ai eu affaire, ce sont les seules questions qui m’ont animé, c’est le plus passionnant. Tenter de résister voire de vaincre la pesanteur de la fatalité. Faire mentir les prophéties de malheur qui disent que telle est ta condition, ta catégorie, ton identité, alors, tel est ton destin.

Aujourd’hui, on appelle cette démarche générale EDI. L’expression me convient.

L’équité : c’est une vertu. C’est l’esprit de justice, l’égalité, dans de justes proportions. 

Diversité : c’est un constat incontestable. Les êtres humains sont divers à tous égards et n’ont en commun que d’être humains, ce qui leur permet de faire société.

Inclusion : C’est un terme dont il faut plus se méfier. Une inclusion, cela représente d’abord un état de fait, c’est statique. C’est la « Présence d'un corps étranger dans un ensemble homogène auquel il n'appartient pas; p. méton., ce corps lui-même ». C’est aussi l’action de réaliser une inclusion. Depuis l’apparition de ce terme, sous l’influence de l’anglais, il dérive souvent. En milieu scolaire, il est souvent employé improprement pour faire plus « nouveau » à la place de « intégration » mais a gardé la même signification pour la personne ou le texte qui l’emploie. On le constate lorsqu’il est suivi d’un complément de nom, telle que « l’inclusion des élèves handicapés ». Si ces élèves sont distingués comme une catégorie à inclure, on est dans la définition de l’inclusion en physique. On parle de corps étranger dans un ensemble homogène auquel il n’appartient pas. Rappelons que l’intégration repose sur une action propre à adapter un individu à une situation en lui octroyant de l’aide par compensation ou remédiation afin de le rendre conforme à une norme.

Inclusion ne doit s’appliquer pour nous qu’à un contexte, un environnement, une structure sociale. C’est l’action que réalise une organisation sociale pour que toutes les personnes qui ont le droit d’en faire partie puisse y participer à part entière, équitablement. Aussi bien pour y contribuer que pour en bénéficier.

Or, une société ou une organisation humaine telles que l’école ou l’université, ne peuvent jamais arriver à bout de ce projet dans la mesure évidente où il vient au monde en permanence de nouvelles personnes à la singularité jamais manifestée jusqu’alors.

Pour aller vers l’horizon d’inclusion, il convient donc d’adopter des dispositions inclusives, d’agir de manière inclusive. On sera donc mieux inspiré de parler d’école inclusive, d’université inclusive, de pratiques pédagogiques inclusive, etc. Ce qui ne peut s’entendre que dans une société inclusive, dont on est loin encore. 

7. Quel serait votre prochain défi entourant ces questions? Dans quelle direction souhaitez-vous allez concernant l’EDI?

Le défi, c’est d’en faire une cause commune, collective. Ce sont les membres de la communauté de l’UQAM qui doivent s’en saisir. Ce sont tous les groupes constitués en son sein qui doivent se demander comment ils peuvent agir pour rendre leur université toujours plus inclusive. Plus inclusive en son sein. Et plus inclusive pour être le ferment d’une société inclusive.

Pour cela, on ne peut pas prendre les choses par le petit bout de la lorgnette en se demandant catégorie par catégorie d’étudiantes et d’étudiants, d’enseignantes et d’enseignants, de personnel de soutien, etc, quelles adaptations et compensations requièrent leurs situations pour qu’ils parviennent à réaliser leur parcours d’étude ou professionnel selon la norme. Car cela nous maintient prisonnier d’une approche intégrative.

En se référant à l’Index pour l’inclusion de Booth et Ainscow, nous avons besoin de toute la communauté pour :

· Créer une culture d’éducation inclusive (Bâtir une collectivité et Établir des valeurs inclusives)

· Produire des politiques d’éducation inclusive (Développer une université pour tous et Organiser le soutien à la diversité)

· Développer des pratiques d’éducation inclusive (Organiser les apprentissages et Mobiliser les ressources)

Questions spécifiques :

8. Comment considérez-vous mettre en oeuvre l’EDI dans vos services à la collectivité en tant que professeur.e ?

Difficile de parler de soi…

Dans mes services à la collectivité internes, je tente de me prononcer en faveur de l’EDI en toutes circonstances au risque de fatiguer, peut-être…

A l’UQAM, nous avons de nombreuses instances au sein desquelles s’exprimer : l’assemblée départementale, le SPUQ par exemple.

La direction de programme est aussi un lieu stratégique pour veiller à une orientation inclusive à travers le suivi des situations personnelles des étudiantes et des étudiants dans leur cheminement, les choix pédagogiques concertés avec les collègues et au sein du comité de programme.

Je participe aussi au Comité de la Vie étudiante. Bien que je n’aie pas à y intervenir souvent, l’instance permet de comprendre les obstacles qui se dressent devant certaines personnes pour poursuivre sereinement leurs études.

Dans les services à la collectivité à l’extérieur, ce sont les personnes institutionnellement catégorisées comme vivant avec une déficience intellectuelle et/ou un TSA qui sont au cœur de mon action. Je tente de représenter auprès d’elle le souci inclusif de l’UQAM. Je tente de leur faire sentir qu’en tant que prof à l’université, je suis aussi à leur service.

Pour cela, je m’implique dans des projets conduits par les organismes communautaires qui accueillent ces personnes. J’y apporte autant que possible ma contribution par mes compétences en pédagogie. Je pratique ce que j’appelle de la formation-accompagnement des intervenants, en particulier dans le domaine des arts.

Je privilégie évidemment tous les projets qui ont une visée inclusive, les projets qui mettent en valeur les personnes en tant qu’artistes parmi d’autres artistes et pas seulement en tant que personnes handicapées.

Je cherche aussi à valoriser les productions et la créativité des artistes réunis dans ces organismes auprès de la communauté uqamienne. Par exemple, avec D’un œil différent. Ou plus simplement en montrant ces productions à mes étudiantes et étudiants.

Il y a aussi des CA où on m’a demandé de m’impliquer : l’AQEIPS, DOD, Les Muses, La Gang à Rambrou.

9. Pour vous, quel est le rôle d'un.e professeur.e/de l'Université aujourd'hui?

Mon rôle c’est d’accompagner la réflexion et la formation de nouveaux enseignants ou d’enseignants en fonction. Ce que je ne peux réaliser qu’en travaillant comme eux à mon propre perfectionnement par la recherche et l’implication dans la collectivité.

10. Comment voyez-vous l'université dans 10/50 ans?

Comme un lieu où on continue à travailler les questions, à découvrir l’étendue de notre ignorance à mesure que progressent les connaissances, afin d’entretenir la flamme du désir de savoir.

11. Quel est votre souhait le plus fort pour le futur de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM?

Qu’elle entretienne un questionnement et une réflexion incessants concernant l’éducation. Qu’elle soit le lieu de l’initiation à un métier d’art, où on approfondit sa réflexion et perfectionne sa pratique plutôt que de proposer d’y acquérir une technique faite de certitudes définitives et sclérosantes. Qu’elle soit le lieu du ressourcement pour une communauté de d’enseignants-chercheurs pédagogues engagés dans toutes les situations où l’être humain désire apprendre. 

12. En trois mots, comment définissez-vous la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM?

Là, je sèche… un reste de ma carrière de cancre. 🤣

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire