jeudi 13 février 2020

AMI-télé : présentation du guide pédagogique "Agir avec force et bienveillance pour contrer l’intimidation"

Le 14 janvier 2020 AMI-télé m'a invité à parler "intimidation" et à présenter le programme  Agir avec force et bienveillance pour contrer l’intimidation au comité de pilotage duquel j'ai participé.
Ci dessous, l'extrait de l'émission où j'interviens.
Pour voir l'émission au complet avec de très utiles témoignages : https://www.amitele.ca/category/ca-me-regarde/media/ca-me-regarde-8-fevrier-2020


Extrait du site :
"Le programme Agir avec force et bienveillance pour contrer l’intimidation est conçu pour les personnes avec une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autiste et pour l’entourage de ces personnes.
Ce projet est le résultat d’une recherche de connaissances réalisée principalement dans la francophonie canadienne. Des références bibliographiques et des ressources sont intégrées dans chaque guide.
Parler de l’intimidation qu’on a vécue, qu’on vit ou dont on est témoin peut être troublant. Nous avons donc conçu un guide méthodologique d’entretien et d’éthique, en respect des personnes appelées à témoigner. 


La transcription intégrale de l'interview :

On a beaucoup parlé de l'intimidation vécue chez les enfants et les adolescents, mais malheureusement, ça peut se poursuivre à l'âge adulte. Et c'est malheureusement spécifiquement vrai pour les personnes avec une déficience intellectuelle. C'est ce dont va venir nous parler notre prochain invité, M. Jean Horvais, qui est professeur au département d'Éducation à l'uqam, qui collabore avec la Gang à Rambrou.

Bonjour, M. Horvais!

Bonjour! Bonjour!

D'abord, ben, qu'est-ce qu'on sait de l'intimidation qui pourrait être vécue par les personnes qui ont une déficience intellectuelle?
On sait que c'est difficile à chiffrer concrètement,

Mais est-ce qu'on a une idée de comment ça se passe de leur côté?

Vous l'avez dit, c'est ça qui est compliqué, c'est qu'on n'a pas beaucoup accès à des données chiffrées et de le quantifier.

Hum, hum.

La seule chose qu'on peut dire, c'est qu'il est probable, du fait que certaines personnes se confient, que ça leur arrive plus souvent qu'au reste de la population, dans des conditions qui peuvent être assez différentes aussi. Vraisemblablement sur des durées plus longues, avec une plus grande difficulté à pouvoir y faire face, et donc à  trouver les ressources, le soutien nécessaire pour s'en dégager. C'est certainement une des caractéristiques premières.
D'après la littérature scientifique, il apparaît aussi, par exemple, que c'est particulièrement le cas pour des personnes pour lesquelles la situation de handicap est peut-être moins visible, moins évidente.

Ah ouais!

Et, en tout cas, au niveau de l'adolescence, qui est la partie de la vie la plus documentée à ce sujet. C'est certainement cette partie-là de la population qui est la plus visée.

Les personnes les plus vulnérables, ce serait donc les personnes qui auraient un handicap intellectuel mineur, qu'on pourrait dire?

Voilà. Voilà, il semblerait que ce soit ça, parce que, par conséquent, elles n'apparaissent pas certainement aux yeux du reste de la population comme des personnes vulnérables à protéger, mais plutôt comme des personnes qui ont une allure de vie un petit peu « bizarre » pour le dire avec un mot très commun. Et donc, c'est plus propice à la moquerie, par exemple, dans la forme d'intimidation la plus courante en milieu scolaire.

Depuis le début de l'émission, on parle beaucoup d'intimidation en lien... chez les enfants et les adolescents. Par contre, pour les personnes qui ont une déficience intellectuelle, c'est quelque chose qui se poursuit tout au long de leur vie.

Absolument! Et elle prend des formes qui sont assez diverses, et puis certainement, à ce moment-là, plus graves, plus lourdes. Lorsqu'on a travaillé avec les participants de la Gang à Rambrou , sur ce projet dont on a parlé, on s'est aperçu dans les quelques confidences que nous ont faites certaines des personnes participantes, que certaines avaient vécu des choses extrêmement douloureuses du côté du harcèlement sexuel, etc. Donc, effectivement, les adultes aussi, évidemment, dans des conditions bien particulières, s'ils ne sont pas suffisamment protégés, soutenus, ça vient les toucher.

La Gang à Rambrou, on en parle parfois à l'émission ici. C'est un organisme, on peut le rappeler, qui est voué au mieux-être des personnes avec une déficience intellectuelle, notamment par le biais de l'art. Donc, vous avez un projet de créer un guide qui sera mis à la disposition des membres de la Gang à Rambrou, mais aussi du public en général. Qu'est-ce qu'on va retrouver dans ce guide?

Alors, dans ce guide, moi, j'ai participé très modestement au comité de pilotage pour en définir à la fois les contenus puis un petit peu l'allure pédagogique. C'est vraiment un guide qui va être mis à disposition la plus large possible et qui permettra à des personnes... des intervenants de soutien ou à  des enseignants ou à des éducateurs d'accompagner la réflexion ou la compréhension, on pourrait dire, de petits groupes, moi, je l'imagine surtout comme ça, d'enfants ou d'adolescents ou de personnes adultes qui vivent avec une déficience intellectuelle, de sorte de les équiper dans la compréhension de ce qui se peut se passer en termes d'intimidation. Parce que pour bien des personnes intimidées qui ont une déficience intellectuelle, le nœud du problème, de ce que je comprends, c'est que pour eux, ils ont de la difficulté à décoder qu'ils ont vécu de l'intimidation….

Donc là, ça devient difficile de s'en sortir après.

Tout à fait, mais pas seulement. On essaie aussi de faire en sorte que dans ces supports pédagogiques, on peut les appeler comme ça, plus que des guides. C'est vraiment quelque chose qui est fait pour se l'approprier et le mettre en œuvre, en jeu, avec des personnes. On essaie de faire envisager toutes les positions possibles par rapport à ce vécu, comme victime, c'est vrai, principalement, mais aussi comme témoin, de ce qui peut arriver à quelqu'un d'autre, parce que ça arrive aussi sous cette forme-là, et aussi comme acteur, parce qu'il peut arriver aussi que des personnes ne comprennent pas dans quelle mesure elles agissent, d'une façon qui tend à être de l'intimidation vis-à-vis de quelqu'un d'autre dans leur entourage.

(véronique): Involontairement. Donc, il y a ces 3 versions-là envisager. C'est important, je pense, de leur faire bien saisir c'est quoi, l'intimidation, pour qu'ils puissent se défendre, mais aussi pour qu'ils évitent d'en faire, parce que j'étais... Je prenais connaissance récemment de 2 personnes qui ont une déficience intellectuelle, dont une qui en intimidait une autre mais qui ne savait même pas qu'elle lui faisait de l'intimidation, fait que cette possibilité-là existe aussi.

C'est Ça.

Donc, c'est nécessaire.

Tout à fait, c'est vraiment important aussi de le faire envisager sous cette forme-là et pour amener aussi une réflexion sur ce qui est éprouvé. Enfin, les choses fonctionnent un peu en réciprocité.

Pis ce qui est intéressant aussi, quand on parle que ce soit involontaire, ça peut Être une personne avec une déficience intellectuelle qui involontairement fait de l'intimidation, mais aussi quelqu'un qui est pas mal intentionné mais à cause d'un biais de société, on tend parfois à marginaliser les personnes avec une déficience intellectuelle, ça peut se traduire par de l'intimidation par la suite.

Tout à fait. À cet égard, je pense que c'est très important aussi d'élargir le propos en se disant que cette question fondamentale de l'intimidation vis-à-vis de ces personnes-là, il faut la resituer d'une manière systémique et s'interroger aussi sur le mode d'organisation de nos sociétés, de notre École, qui, à  force de catégoriser les personnes, de les ségréguer, de faire... d'organiser une espèce de compétition permanente entre les gens, finit par minoriser certaines situations, par mettre des personnes en situation de... d'être dominées, de valoir aux yeux des autres...

(kéven): Moins ou plus.

... Moins, être des vies minuscules, comme le dit l’anthropologues Charles Gardou. Oui. C'est un peu ce qu'on fait. Et à ce moment-là, on ouvre la porte, au fond, à l'intimidation, parce que, ces enfants qui sont parfois dans des classes ségréguées au fond du couloir dans les écoles, aux yeux de leurs condisciples, aux yeux des autres élèves, ils ont certainement moins de valeur. C'est comme si le monde des adultes validait l'idée...

(véronique): Qu'ils valent moins. ... Qu'ils valent moins que les autres. Effectivement, donc c'est un sujet plus global, hein, Qui mérite une réflexion globale.

Absolument, et là, moi, en tant qu'enseignant, formateur d'enseignant, je suis absolument convaincu que c'est vraiment la voie vers une Éducation inclusive qui pourrait mener à contrer l'intimidation. Voilà, pour aller vers une société inclusive, pour soutenir vraiment l'émergence d'une société inclusive, qui permet aussi de lutter contre ces phénomènes, parce que sinon, il y a aucune raison que ça s'arrête. Et c'est un tonneau des danaïdes, on va sans cesse essayer de mettre en place des procédures d'éducation appliquées à telle personne, telle catégorie, etc. sans jamais véritablement réussir à empêcher que ça se produise.

Merci beaucoup, M. Horvais! Très intéressant.
Pis on vous rappelle que l'ensemble des outils, Parce qu'il va y en avoir quatre: Un pour les enfants, les adolescents, les adultes et les aînés, vont être disponibles sous peu.
Vous avez juste à vérifier auprès du site Internet de la Gang à Rambrou.

Oui, ou encore leur page Facebook.

Merci beaucoup! Merci beaucoup!



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