jeudi 30 novembre 2017

Université Populaire de Parents à Tarare (Rhône- FRANCE)

Les amies du groupe Université Populaire de Parents à Tarare ont organisé un colloque le 30 novembre pour présenter leur mémoire de recherche, fruit de 5 années de travail et de rencontre. J'y étais invité sous le doux vocable de "grand témoin", chargé aussi de présenter la situation de la scolarisation inclusive au Canada et au Québec.


Ci-dessous, c'est mon propos enregistré "à la volée"...

L'article du journal Le Progrès... cliquez sur lire la suite...

lundi 27 novembre 2017

Correspondance Gang à Rambrou - Les Grillons

De passage aux Grillons, je remets au groupe correspondance un calendrier de Montréal offert par les amis correspondants de la Gang à Rambrou.

vendredi 17 novembre 2017

MÉMOIRE D’UN COLLECTIF DE PROFESSEURS DIDACTICIENS DES MATHÉMATIQUES DU QUÉBEC SUR LA CRÉATION D’UN INSTITUT NATIONAL D’EXCELLENCE EN ÉDUCATION


Mémoire collectif présenté dans le cadre de la consultation concernant la création d’un institut national d’excellence en éducation
Le 16 novembre 2017
Comme si la musique pouvait ainsi se réduire à la somme 
des notes et des silences qui composent la partition [1]

Le document Pour[2] la création d’un institut national d’excellence en éducation (MEES, 2017) est soumis pour consultation en cet automne 2017. Le document présente d’abord un corpus de données statistiques, définit les fondements et les trois objectifs poursuivis par un éventuel institut et se conclut sur une série de questions auxquelles les acteurs sont invités à répondre, questions qui gravitent essentiellement autour du statut et de la structure dudit institut. Aucune de ces questions n’interroge les fondements et la création mêmes de cet institut, ce qui nous amène à penser que l’INEÉ est acquis. L’impérieuse nécessité de créer cette institution reposerait par ailleurs sur l’« appui quasi unanime » quant à « l’objectif d’assurer le développement et l’appropriation des meilleures pratiques éducatives ». Précisons dès maintenant que les lignes qui suivent ont été rédigées par les tenants du « quasi » dans l’expression usitée « quasi unanime ».
Qu’une institution indépendante se charge de mettre en débat les résultats des recherches menées et d’assurer le partage des connaissances entre chercheurs et praticiens dans le champ de l’éducation – qu’il s’agisse du Conseil supérieur de l’éducation ou d’une autre structure – tout chercheur en éducation ne peut que s’en réjouir, et tout praticien y trouverait du « grain à moudre ». D’emblée, nous tenons néanmoins à signaler que nous sommes hautement préoccupés par le choix d’établir sans équivoque la prépondérance d’un type de recherches menant à des « résultats probants ». C’est bien la diversité des recherches conduites qui permet de comprendre la complexité inhérente aux enjeux éducatifs que l’on retrouve dans des contextes scolaires québécois pluriels. Nous souhaitons donc, dans ce mémoire, apporter des réflexions relatives aux fondements de l’institut projeté plutôt que de discuter des modalités de sa mise en œuvre.
Dans les lignes qui suivent, nous présentons ainsi plusieurs arguments qui nous amènent à remettre en cause, sur le fond, la création de l’institut :
  • L’usage de la notion de « pratique avérée » est problématique tant dans le champ scientifique que dans le champ de l’enseignement;
  • Les interventions fondées sur cette notion privilégient la mesure de résultats à court terme qui ne présagent en rien des dénouements éducatifs à long terme;
  • La croyance indiscutée en des « résultats probants à haut niveau de preuve » occulte d’une part le fait qu’il s’agisse d’un mode de production de données parmi d’autres et avec ses propres biais, d’autre part que le champ de la recherche est loin d’être un espace neutre et qu’il est traversé d’enjeux sociopolitiques;
  • La production de savoir n’est pas l’apanage des chercheurs, et les enseignants n’en sont pas que des usagers.     

lundi 6 novembre 2017

Création d’un institut national d’excellence en éducation ? L'avis de Félix Turlupin

Félix Turlupin, un ami pédagogue à l'humeur parfois chagrine, me prie de publier le texte suivant où il fulmine à la proposition de création d’un institut national d’excellence en éducation par le ministère de l'éducation du Québec. Comment se dérober aux exigences de l'amitié et ne pas soumettre à la sagacité du lecteur un vigoureux plaidoyer ? Le voici donc... 

Quand une société ne peut pas enseigner, ce n'est point qu'elle manque accidentellement d'un appareil ou d'une industrie; quand une société ne peut pas enseigner, c'est que cette société ne peut pas s'enseigner; c'est qu'elle a honte, c'est qu'elle a peur de s'enseigner elle-même; pour toute l'humanité, enseigner, au fond, c'est s'enseigner; une société qui n'enseigne pas est une société qui ne s'aime pas; qui ne s'estime pas; et tel est précisément le cas de la société moderne. Péguy. Charles. Édition La Pléiade. Gallimard. T.1. p 1390

Le problème de fond est là. Notre société ne sait plus enseigner parce qu’elle a abandonné son école aux thuriféraires du productivisme. Peut-être qu’au fond les promoteurs de cette nouvelle pitoyable initiative[1] sont cohérents : pour former la classe servile dont ils ont besoin, rien de tel que l’industrialisation de l’enseignement qu’ils appellent de leurs vœux. D’ailleurs, encore un peu de patience, après avoir réduit les enseignants à des techniciens jusqu’à leur faire oublier l’art[2] de faire sur lequel se fonde leur culture professionnelle visant l’émancipation de tous par l’ouverture des accès à la connaissance, ils ne tarderont pas à nous démontrer définitivement qu’il vaut mieux confier l’instruction à des robots convenablement programmés selon leurs visées. Pour ma part, je ne peux même pas m’intéresser à leurs recherches effrénées de l’efficacité en éducation qu’ils appellent « réussite ». Leurs visées ne sont pas les miennes. Leurs valeurs ne sont pas les miennes. Ils ont confisqué le système scolaire de la maternelle à l’université pour l’asservir à leur système d’exploitation. Or, il me semble que le seul bon juge de la qualité de l’éducation qu’on lui a prodiguée, et de la réussite qui s’y attache, c’est celui ou celle qui parvenu·e à l’âge adulte, estime ce qui lui a été offert à ce titre depuis sa plus tendre enfance. Il ou elle peut se poser ces questions : m’a-t-on offert la possibilité d’accéder aux apprentissages que je souhaitais ? Cela a-t-il été fait en respectant mon désir, mes capacités, mes qualités, mes projets ? Cela a-t-il été fait selon des modalités avec lesquelles je me sentais bien ?
Au chevet d’une éducation malade, on appelle une sorte de médecine, la recherche en « bobologie » de l’éducation et ses méthodes. Et tous les Diaphoirus de disséquer le patient tout vif, de l’examiner abattis par abattis pour déclarer avec assurance que c’est dans celui-ci ou dans celui-là que se trouve la pathologie à soigner afin de redonner la santé à l’ensemble. Ils n’entendent même pas la cacophonie produite par le mélange boueux de leurs doctes discours et ne se doutent pas un instant que la mise en œuvre concomitante de leurs préconisations tire à hue et à dia les malheureux à qui on prescrit l’amère potion résultante. « Le poumon vous dis-je ! » est aujourd’hui « Le cerveau, vous dis-je ! » Comme l'affirmait le grand mathématicien Henri Poincaré, la science parle à l'indicatif, pas à l'impératif. On devrait donc cesser d'accabler les enseignants de prescriptions et d'injonctions qui se parfument de scientificité et qui sont au final si souvent contradictoires.  
Les fameuses « données probantes » et autres locutions de même farine sont le rideau de fumée destiné à occulter tout débat démocratique sur les valeurs et finalités de l’éducation. On n’y a testé que les artifices visant à formater la jeune génération pour lui faire endurer le legs mangé de vers qu’on lui abandonnera bientôt. 
Il est assez remarquable que saisi par l’irrépressible besoin de productivité – poétiquement rebaptisée « réusssite » - on cherche à conduire aux apprentissages les plus élémentaires le plus rapidement possible les élèves. Time is money ! Et de morigéner, de tenter de réparer, puis d’exclure les moins aptes – ou les plus réticents et clairvoyants. Il faudra qu’on explique ce qui presse à une époque qui se promet d’allonger bientôt indéfiniment la vie, c’est à dire en fait la vieillesse. D’autant plus qu’on emploie essentiellement à cette fin l’unique méthode de l’enseignement simultané sous sa forme la plus platement magistrale alors que cette méthode avait justement été « inventée » par Jean-Baptiste de la Salle pour « ralentir » et mettre au même rythme les apprentissages tous les élèves afin de les garder à l’école le temps nécessaire non seulement pour apprendre les rudiments du lire-écrire-compter[3] mais surtout pour les imprégner directement de l’enseignement religieux et moral qu’incarne le maître. Ce que l’école républicaine française à la suite des Jésuites avait par exemple bien compris en maintenant ce fonctionnement afin de former aux valeurs civiques et républicaines la France profonde. Tant que les maîtres sont des « hussards » en uniforme civique sous la plume sévère de Charles Péguy ou qu’ils savent « tout le crocodile » sous celle humoristique d’Alexandre Vialatte[4], il semble que tout aille bien car la révérence qu’on a envers eux, qu’on soit cancre ou premier de classe fait taire – presque – tout questionnement et protestation. Mais dès que le maître est descendu de son piédestal pour retomber dans sa condition prolétarienne au sens non seulement pécuniaire[5] mais aussi à celui de l’exécutant de tâches programmées par d’autres, ce mode de fonctionnement fait surgir des élèves dissidents comme champignons après la pluie. Les uns s’ennuyant ferme s’agitent, les autres, démoralisés de ne pas comprendre à la vitesse et par les voies prescrites, s’agitent aussi ou développent des troubles qui devraient plutôt signaler leur détresse[6] que leur anormalité. Mais on n’en a cure ! Ce sont ces trublions qui ne sont pas conformes et qu’il convient de soigner. Et de scanner tous les cerveaux, en tous sens pour découvrir la glande pinéale de la cancrerie afin d’en transmuer le plomb en or. On ferait mieux de scanner ceux des grands maîtres de la confrérie organisant cet effroyable gâchis[7].
Et tous ces enfants sont sans cesse évalués, soumis à examens médicaux, neurologiques, des évaluations de leurs apprentissages, c’est-à-dire de leur taux d’appropriation des réponses attendues qu’on leur a fait ingurgiter en guise d’enseignement pour les y préparer.
En bon français, cela s'appelle de la maltraitance. Maltraitance des assujettis au stress des examens, maltraitance aussi des rejetés, des exclus d'avance. Maltraitance morale encore de toute une génération qui apprend si jeune que la vie est une compétition impitoyable dans laquelle il faut absolument vaincre pour ne pas être vaincu et où les autres, ceux avec qui ils devraient faire société, sont des rivaux, des adversaires[8]. On ne s'étonnera pas ensuite des résultats... et on en appellera avec une hypocrisie de belle âme à la tolérance, à la bienveillance, à tout un catéchisme sirupeux de Tartuffe qui cherchent à conjurer, la trouille au ventre, leur prochaine déchéance. "Panmuflerie" moderne ! pour finir avec Péguy un texte commencé avec lui.

Félix Turlupin



[1] Dans le cadre du lancement de la Politique sur la réussite éducative, le Gouvernement du Québec s’est engagé à entreprendre des démarches en vue de la création d’un institut national d’excellence en éducation.
[2] « Donner un enseignement, faire une éducation, c’est véritablement un art qui a ses règles et ses secrets (...) » Buisson, F. (1887). Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire (vol. 1). Hachette. Art. : Education

[3] Chartier, A.-M. (2000). Réussite, échec et ambivalence de l’innovation pédagogique : le cas de l’enseignement de la lecture. Recherche & Formation, 34(1), 41‑56. doi:10.3406/refor.2000.1644
Quand on pense que Rousseau ne voulait pas que le gouverneur entreprît d’apprendre à lire à Émile avant l’âge de 12-13 ans afin qu’il ait eu le temps de parfaire son éducation morale à l’abri de la pollution des obligations sociales. « La lecture est le fléau de l’enfance et presque la seule occupation qu’on sait lui donner. (…) il faut qu’il sache lire quand la lecture lui est utile ; jusqu’alors, elle n’est bonne qu’à l’ennuyer. » Rousseau.J.-J. (1762). Emile ou De l’éducation: Nouvelle édition augmentée. Arvensa editions.
[4] Vialatte, A. (1957). Chronique du 19 novembre 1957. Journal La Montagne. Clermont-Ferrand.
[5] Ce dont la féminisation de la profession est un signe dans la mesure où l’androcratie contemporaine désigne à la femme les places dévalorisées qui lui sont réservées.
[6] « Ce monde est celui de la Technique, et qu’est-ce que l’enfant pour un technicien, je vous le demande, sinon un désordre à tolérer en attendant de le réduire grâce à une technique de l’éducation capable d’abréger le plus possible une période improductive, inutilisable, de la vie humaine. Qu’est-ce que l’enfant pour eux, sinon un vase à remplir ? » Bernanos, Georges. Essais et écrits de combat. Michel Estève. Vol. 2. La Pléiade. Paris, France: Gallimard, 1995. P. 1140

[7] Plus d’un cinquième des élèves québécois sont évalués par la machine médico-administrative comme handicapés ou en difficulté d’apprentissage et d’adaptation (HDAA). 15% de ceux-ci sont authentifiés comme handicapés. Les autres (85%) sont « en difficulté ». Ne serait-il pas plus juste de dire que c’est l’école qui est en difficulté avec la diversité des allures de vie et d’apprentissage des petits humains, plutôt que de décréter qu’un cinquième d’entre eux n’a pas sa place à l’école commune ? Remarquons au passage que c’est à peu près la proportion de la mortalité infantile au tournant du XXème siècle. Ils ne meurent plus mais sont déclarés inaptes !  
Et que dire de « l’ épidémie de TDAH » : « Selon une analyse des données provenant de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), la prévalence de l’usage des médicaments spécifiques au TDAH chez les enfants et les jeunes adultes a atteint 6,4 %, au Québec en 2014-2015 » http://www.ledevoir.com/societe/sante/509049/tdah-6-des-jeunes-quebecois-se-voient-prescrire-un-traitement-pharmacologique  
Au filtre d’une telle contention chimique, on n’a peu de chance de voir se lever de nouveaux Van Gogh, Maupassant, Woolf, Shumann, Tchaïkovski, Tolstoï, Hemingway…  sans parler de tous les artistes de « l’art brut » que dénicha Jean Dubuffet.
[8] Voir par exemple « Pour en finir avec la ségrégation scolaire » : http://plus.lapresse.ca/screens/0cad412d-d185-4eae-af0b-f879f28b5262%7C_0.html