dimanche 12 février 2017

Stage 2ème année Bac en adaptation scolaire : Vous avez dit "gestion de classe" ?

Message pour le cours du 16 février sur le thème de la gestion de classe.

En préambule à tous les documents que vous pourrez consulter et dont vous pourrez faire votre profit sur le Moodle du cours et du métacours, je voulais vous dire quelques mots plus personnels sur ce thème de la « gestion de classe ».
Tout d’abord, il faut observer que l’expression est assez étrange puisqu’elle fait référence à l’action d’administrer, de gérer dans un contexte qui est le plus généralement celui de l’entreprise, concernant des valeurs financières et des marchandises. On peut alors se demander : de quoi l’enseignant est-il le gestionnaire ? Sa classe est-elle une « petite entreprise qui connait parfois la crise » ? Gère-t-il des élèves ? de la production d’élèves ? de la production de savoirs ?
Bien souvent les propos concernant la gestion de classe et même la littérature à ce sujet l’envisagent sous l’aspect de l’action de l’enseignant(e) propre à assurer ce qu’on appelait autrefois « la discipline » renommée de nos jours en « bon comportement des élèves ». Cela donne à la notion un certain élargissement qui aboutit à de belles définitions telles que par exemple : "Ensemble des actions qu’un enseignant conçoit, organise et réalise pour et avec ses élèves afin de les engager, de les soutenir, de les guider et de les faire progresser dans leur apprentissage et leur développement. » selon le Conseil supérieur de l’éducation.
Quoi qu’on y fasse et n’importe comment qu’on cherche à enseigner et à transmettre des techniques afin de former des enseignants à « la gestion de classe », la maitrise s’acquerra par l’expérience et se forgera comme style personnel. On a beau multiplier consignes et conseils, ça n’est guère plus efficace que de montrer sur la plage les gestes à faire à l’apprenti-nageur. Quitter les appuis plantaires pour se laisser porter par l’eau, personne ne peut le décréter pour autrui.
Bien sûr qu’une fois lancé, un soutien à l’analyse réflexive sur les situations rencontrées est utile. C’est ce à quoi sert un stage et c’est le support que peut vous apporter votre enseignant associé (et votre superviseur).

On peut seulement vous prévenir de ne pas vous laisser aveugler par l’obsession de maitriser les comportements parfois déplaisants voire gênants des élèves, de certains élèves. Le plus souvent, ce sont des signaux d’alerte non verbaux qu’il convient avant tout d’interpréter. Ils surviennent en premier lieu des plus sensibles d’entre les élèves pour des raisons qui leur sont propres. Mais on aurait tort de leur en attribuer l’exclusivité et de penser que des pratiques de contention vont en venir à bout. Bien plus que de renvoyer à l’élève, ces comportements doivent renvoyer à la situation qu’il faut parfois savoir décoder à chaud.

Quand un ou plusieurs premiers élèves "décrochent", "se désorganisent" … c’est peut-être que...

  1. La mobilisation a été trop faible. (la mobilisation dépend de l’action de l’enseignant, tandis que la motivation est interne à l’élève). La tâche, l’ensemble des tâches, le projet annoncé… ne sont pas assez mobilisateurs, n’ont pas entraîné l’adhésion des élèves.
  2. On pense souvent à tort que cela vient du fait que ce n’était pas assez « le fun », que ce n’était pas dans leurs intérêts préexistants… mais à ce compte-là comment pourrions-nous leur enseigner quelque chose de nouveau pour eux ? Les élèves ont aussi besoin que l’enseignant partage avec eux son propre intérêt, qu’il leur manifeste que le savoir a pour lui de la saveur (même étymologie!), a pour la société de la valeur, que cela mérite même qu’on y consente un effort, parce qu’il leur faut éprouver que réussir quelque chose de difficile, de sérieusement difficile occasionne d’en être fier.
  3. L’objectif d’apprentissage est-il clair pour moi ? La tâche est-elle claire pour eux ? Les deux sont-ils en rapport étroit ? A quoi vont-ils voir qu’ils ont réussi ? A quoi vais-je voir qu’ils ont progressé ? Comment pourrai-je leur faire savoir que leur réussite à la tâche leur a permis de développer une compétence, d’acquérir un authentique savoir. (évaluation sommative, évaluation formative…)
  4. La mise en action tarde-t-elle trop ? Faut-il vraiment écouter 40 minutes d’explications magistrales avant que les élèves aient un travail à réaliser ? Est-ce le signe d’un manque de confiance dans la capacité des élèves ? ou d’avoir brûlé des étapes dans les apprentissages ? Mon propre désir d’une réussite tellement parfaite que je n’ose pas les « lâcher » pour les laisser essayer quelque chose ? une priorité que je donne à la réussite de la tâche plutôt qu’à la réussite d’un apprentissage (mon véritable objectif) ? Une situation-problème riche ne pourrait-elle faire l’affaire, à condition sans doute de l’accompagner, de la ponctuer (voir 9.)
  5. La tâche proposée est-elle trop difficile, et par conséquent, des élèves en sont-ils d’avance découragés ? Si c’est le cas, quelles ressources ai-je prévu de leur fournir ? vers quoi pourrai-je les diriger pour les rassurer (sans accomplir la tâche pour eux, bien sûr puisque c’est en franchissant ce qui est a priori un obstacle qu’ils développeront un apprentissage) ?
  6. A l’inverse, la tâche proposée est-elle trop facile ? Démobilisante parce que sans enjeu, sans défi ? De quoi les élèves pourront-ils être fiers d’avoir réussi, d’avoir compris ? C’est une situation plus difficile à corriger en cours de route que la précédente. En particulier, la crainte que les élèves n’y arrivent pas m’a-t-elle poussée à proposer une tâche tellement parcellaire qu’elle a perdu son sens pour eux (et pour moi aussi en général) ? (Combien on voit d’exercices de mathématiques qui se résument à exécuter sur une calculette une chaine opératoire écrite au tableau ! Pensez aussi à ces innombrables exercices à trous sur les accords grammaticaux par lesquels on oublie que le but c’est de savoir produire de la pensée par l’écrit.)
  7. La forme d’organisation du travail permet-elle de s’y engager ? Du travail de groupe ? oui, pourquoi pas, mais pourquoi, pour quoi, en vue de quoi ? organisé comment ? chacun a-t-il un rôle valorisant à y jouer ? quel soin prend-on d’apprendre à travailler en groupe (ce qui n’a rien de naturel) ?
  8. Des ressources sont-elles disponibles, accessibles et connues des élèves ?  En a-t-on fait l’inventaire avec les élèves avant de commencer le travail ? Connaissent-ils les règles pour y accéder et les utiliser ? Y a-t-il plusieurs façons valables et valides d’accomplir la tâche ?
  9. Des temps de pause sont-ils prévus pour ponctuer le travail,  faire le point, proposer une régulation, permettre aux élèves d’échanger entre eux et avec l’enseignant sur l’avancée de leurs travaux et sur leurs trouvailles chemin faisant ? Pour redonner de l’élan afin de réaliser une deuxième, une troisième… étapes. Pour dépanner ceux qui peinent…
  10. Les plus fragiles ont-ils confiance dans le fait qu’une procédure d’aide leur est accessible sans condition ? savent-ils comment y recourir ?
  11. Au final, tous les élèves sont-ils certains avant même de commencer que quelle que soit la difficulté de la tâche, aucun ne vivra l’humiliation d’échouer ?
Alors, la gestion de classe, c’est d’avoir pensé à tout ça et sans doute à bien d’autres choses encore… c’est surtout d’avoir anticipé en pensée sur l’expérience de vie qu’on veut faire faire aux élèves pendant la SEA.





Voir aussi : Là !



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