De la continuité… à condition de prendre des initiatives et d’inventer !
En relisant mes notes prises lors de la première rencontre conjointe du REPAQ en ligne, voici ce que j’en retiens :
Les acteurs ·trices
du REPAQ constatent que le confinement d’une part et le déconfinement
sous contraintes d’autre part ne sont pas favorables à leurs choix
éducatifs et pédagogiques, altèrent leur idée de l’école, voire
anéantissent la forme scolaire idéale. Mais il leur semble malgré tout
impossible de renoncer. Ce n’est pas parce que l’école institution
s’arrête ou se remet en marche sous contraintes que les acteurs·trices
cessent de vouloir vivre et faire vivre la communauté éducative
scolaire. Alors, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, ils-elles se
mobilisent en s’appuyant sur deux forces complémentaires en alternatif :
1. La continuité. Ce qui heureusement se faisait déjà et qu’il n’y a
plus qu’à prolonger, amplifier, aménager ; 2. La créativité. Ce qui doit
être inventé pour faire face aux circonstances voire faire de la
contrainte une ressource pour la créativité.
La
continuité, en confinement, c’est d’abord le souci ravivé du lien, du
maintien de la relation. On a l’habitude de se parler, on va continuer
par les moyens les plus simples comme le téléphone puis par les moyens
technologiques selon leur disponibilité et les capacités des
participants. L’essentiel, c’est qu’il y ait au minimum un contact
hebdomadaire de chaque enseignant·e
avec chaque famille, chaque semaine. « Je m’ennuie de mes élèves »
affirme une enseignante en écho sans doute à ce que ressentent ses
élèves. Pour une autre, « la pédagogie a été mise de côté au début. On a
misé sur l’école de la vie ». Dans les écoles et les classes où les
outils technopédagogiques
étaient déjà bien installés dans les habitudes de travail, en
particulier par des activités réalisées par les élèves, on a pu
s’appuyer et prolonger ces usages, même si on a conscience des limites à
poser concernant le temps passé devant des écrans, la difficulté de
percevoir l’intérêt et la mobilisation des élèves à distance, les
contraintes que cela fait peser sur la vie familiale, etc. « Il faut
donner une identité alternative aux moyens technologiques » affirme un
rapporteur car « à distance, c’est plus l’adulte qui décide, l’autonomie
de l’enfant est diminuée » craint un autre. Tout cela a contribué à
renforcer le besoin de se rencontrer en réseaux, le réseau des
enseignants surtout pour la formation, la co-formation,
ou plus simplement pour le partage des bonnes idées. Au-delà des moyens
de communication technologiques, on note un souci d’offrir des
activités qui ne soient pas seulement des prescriptions, des exercices
dans des cahiers, mais qui continuent à offrir aux élèves des occasions
de faire des choix, de manifester leur créativité. Une participante
rapporte que dans son école, « les élèves pouvaient s’inscrire auprès
des activités proposées par les profs, telles que : yoga, dessins
partagés, diner thématiques, regroupements d’amis... » Certains projets
ont dû être abandonnés au moins provisoirement car les ressources et
ébauches sont restées dans les classes. Mais d’autres ont pu naitre dans
les circonstances, en milieu familial, même si c’est moins facile à
soutenir qu’à l’accoutumée.
Même
si le déconfinement est loin d’être général et pose bien des
difficultés organisationnelles pour respecter les consignes sanitaires
et prophylactiques, les enseignant·e·s, avant même tout retour des élèves, s’estiment soulagé·e·s
de retrouver leur école, leur classe, leur matériel pédagogique.
Retrouver les lieux contribue à retrouver son identité professionnelle.
Il y a cependant une crainte de laisser les contraintes
organisationnelles s’exercer fortement contre le mode coopératif des
pédagogies alternatives, qu’on « retombe dans le traditionnel » selon
les termes employés. Cette « chute » est d’autant plus redoutée que le
ministère insiste dans ses consignes sur les disciplines de
français-maths. Or, les participants veulent retrouver et renforcer si
possible « l’aménagement coopératif de la classe ». A cette fin, «
amener les enfants à programmer leurs déplacements nécessaires », et
surtout « les associer à cette réflexion ».
Est-ce
parce qu’au moment de notre rencontre conjointe le déconfinement est en
cours de programmation et encore peu réalisé, il semble que la période
confinement est évoquée avec plus de netteté, plus d’idées concrètes sur
ce qui, relevant des pratiques habituelles de l’alternatif, a pu être
maintenu, prolongé, adapté, tandis que la période déconfinement qui
s’ouvre porte plus à imaginer du nouveau dans la mesure où elle apparait
plus encore incertaine, inconnue ? En tout cas, elle n’est pas évoquée
comme un simple retour aux pratiques antérieures à la pandémie.
Celles-ci vont se voir non seulement transformées mais enrichies d’idées
neuves, de développements.
Ainsi,
la créativité semble plus riche et prometteuse pour la période qui
s’ouvre même s’il faut relever quelques initiatives nouvelles et
intéressantes en confinement, en particulier sous la forme de ressources
en ligne créées par des enseignants ou des parents et offertes en
partage. Mais le déconfinement à venir, peut-être parce qu’il est
attendu, moins surprenant que le confinement et par conséquent réfléchi
depuis quelques semaines, fait germer des initiatives novatrices. Ainsi,
il est beaucoup question de faire l’école le plus possible et plus que
jamais à l’extérieur. On envisage par exemple des initiatives de jardins
cultivés de manière non synchrone par des petits groupes d’enfants, des
familles s’y relayant tour à tour. Il est question d’activités d’exploration
de l’environnement rural ou urbain comme par exemple par un rallye
familial organisé par des enseignants. Mal à l’aise dans ses murs,
l’école veut sortir, aller par exemple aussi à la rencontre des
générations dans une initiative rapportée d’activités
inter-générationnelles, des projets d’entrepreneuriat, etc.
En
dépit des difficultés, de nombreuses initiatives montrent, soit en
continuité, soit en créativité, ce qu’il est convenu d’appeler
aujourd’hui la résilience du milieu alternatif. Résilience, c’est à dire
retour « naturel » à ses bases, à ses principes structurants.
Cependant, au-delà de ces bonnes nouvelles, deux sujets majeurs
d’inquiétude ont été évoqués : 1. le souci pour les moments cruciaux de
début et de fin de scolarisation dans une école et 2. le souci pour les
élèves fragiles.
1.
Les moments cruciaux de début et de fin de scolarisation dans une école
sont ceux de l’accueil de nouveaux élèves pour une rentrée en début
d’année scolaire et le départ des élèves ayant fini leur scolarité dans
l’établissement. Pour les premiers, la situation actuelle ne permet pas
de se projeter précisément dans cet événement important dans la vie des
futurs élèves car les contours de la rentrée à la fin de l’été sont
encore très flous. Pour les seconds, le temps presse encore plus et on
ne sait si on les reverra avant la fin de l’année scolaire qui approche à
grands pas.
2.
Les élèves fragiles, ce sont les élèves fragilisés par leurs allures
d’apprentissage atypiques, par leurs conditions de vie, etc. Tous ceux
qu’on a l’impression de voir s’éloigner, dériver quand ils ne sont plus
avec les autres dans l’embarcation. Le défi d’offrir une communauté
scolaire inclusive est plus important et difficile dans les
circonstances. Maintenir le lien avec eux, comme avec les autres, c’est
déjà beaucoup, mais ce lien doit garder sa raison d’être, l’éducation,
le projet d’apprendre. Or, les difficultés de ces élèves sont plus
évidentes dans la situation actuelle qui, permettant moins de proximité
dans l’accompagnement, requiert plus d’autonomie.
Il
n’est pas nécessaire de conclure car cette réunion extraordinaire a
surtout été l’occasion d’un point d’étape, d’une respiration à la
charnière de deux phases dans la période incertaine que nous traversons.
J’en retiens quand même un élément essentiel à mes yeux : les milieux
alternatifs (scolaires pour le REPAQ , mais aussi sociaux comme nombre
d’organismes communautaires que je connais) sont ceux qui reprennent
leurs esprits, qui se redressent le plus vigoureusement, qui réagissent
le plus vite pour s’offrir à nouveau dans la continuité et la
créativité, dans l’esprit et les valeurs qui les gouvernent, les
activités qui sont leur raison d’être. Ils parviennent ainsi à accomplir
ce que nulle injonction extrinsèque, gouvernementale, administrative ou
autre ne réussit à obtenir de ses phalanges.
Ci-dessous, mon rapport - en vidéo - sur les travaux du groupe que j'animais
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