vendredi 15 mai 2020

Rencontre conjointe du REPAQ en confinement, via Zoom

De la continuité… à condition de prendre des initiatives et d’inventer ! 
En relisant mes notes prises lors de la première rencontre conjointe du REPAQ en ligne, voici ce que j’en retiens :  
Les acteurs ·trices du REPAQ constatent que le confinement d’une part et le déconfinement sous contraintes d’autre part ne sont pas favorables à leurs choix éducatifs et pédagogiques, altèrent leur idée de l’école, voire anéantissent la forme scolaire idéale. Mais il leur semble malgré tout impossible de renoncer. Ce n’est pas parce que l’école institution s’arrête ou se remet en marche sous contraintes que les acteurs·trices cessent de vouloir vivre et faire vivre la communauté éducative scolaire. Alors, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, ils-elles se mobilisent en s’appuyant sur deux forces complémentaires en alternatif : 1. La continuité. Ce qui heureusement se faisait déjà et qu’il n’y a plus qu’à prolonger, amplifier, aménager ; 2. La créativité. Ce qui doit être inventé pour faire face aux circonstances voire faire de la contrainte une ressource pour la créativité.  
La continuité, en confinement, c’est d’abord le souci ravivé du lien, du maintien de la relation. On a l’habitude de se parler, on va continuer par les moyens les plus simples comme le téléphone puis par les moyens technologiques selon leur disponibilité et les capacités des participants. L’essentiel, c’est qu’il y ait au minimum un contact hebdomadaire de chaque enseignant·e avec chaque famille, chaque semaine. « Je m’ennuie de mes élèves » affirme une enseignante en écho sans doute à ce que ressentent ses élèves. Pour une autre, « la pédagogie a été mise de côté au début. On a misé sur l’école de la vie ». Dans les écoles et les classes où les outils technopédagogiques étaient déjà bien installés dans les habitudes de travail, en particulier par des activités réalisées par les élèves, on a pu s’appuyer et prolonger ces usages, même si on a conscience des limites à poser concernant le temps passé devant des écrans, la difficulté de percevoir l’intérêt et la mobilisation des élèves à distance, les contraintes que cela fait peser sur la vie familiale, etc. « Il faut donner une identité alternative aux moyens technologiques » affirme un rapporteur car « à distance, c’est plus l’adulte qui décide, l’autonomie de l’enfant est diminuée » craint un autre. Tout cela a contribué à renforcer le besoin de se rencontrer en réseaux, le réseau des enseignants surtout pour la formation, la co-formation, ou plus simplement pour le partage des bonnes idées. Au-delà des moyens de communication technologiques, on note un souci d’offrir des activités qui ne soient pas seulement des prescriptions, des exercices dans des cahiers, mais qui continuent à offrir aux élèves des occasions de faire des choix, de manifester leur créativité. Une participante rapporte que dans son école, « les élèves pouvaient s’inscrire auprès des activités proposées par les profs, telles que : yoga, dessins partagés, diner thématiques, regroupements d’amis... » Certains projets ont dû être abandonnés au moins provisoirement car les ressources et ébauches sont restées dans les classes. Mais d’autres ont pu naitre dans les circonstances, en milieu familial, même si c’est moins facile à soutenir qu’à l’accoutumée.  
Même si le déconfinement est loin d’être général et pose bien des difficultés organisationnelles pour respecter les consignes sanitaires et prophylactiques, les enseignant·e·s, avant même tout retour des élèves, s’estiment soulagé·e·s de retrouver leur école, leur classe, leur matériel pédagogique. Retrouver les lieux contribue à retrouver son identité professionnelle. Il y a cependant une crainte de laisser les contraintes organisationnelles s’exercer fortement contre le mode coopératif des pédagogies alternatives, qu’on « retombe dans le traditionnel » selon les termes employés. Cette « chute » est d’autant plus redoutée que le ministère insiste dans ses consignes sur les disciplines de français-maths. Or, les participants veulent retrouver et renforcer si possible « l’aménagement coopératif de la classe ». A cette fin, « amener les enfants à programmer leurs déplacements nécessaires », et surtout « les associer à cette réflexion ».  
Est-ce parce qu’au moment de notre rencontre conjointe le déconfinement est en cours de programmation et encore peu réalisé, il semble que la période confinement est évoquée avec plus de netteté, plus d’idées concrètes sur ce qui, relevant des pratiques habituelles de l’alternatif, a pu être maintenu, prolongé, adapté, tandis que la période déconfinement qui s’ouvre porte plus à imaginer du nouveau dans la mesure où elle apparait plus encore incertaine, inconnue ? En tout cas, elle n’est pas évoquée comme un simple retour aux pratiques antérieures à la pandémie. Celles-ci vont se voir non seulement transformées mais enrichies d’idées neuves, de développements.  
Ainsi, la créativité semble plus riche et prometteuse pour la période qui s’ouvre même s’il faut relever quelques initiatives nouvelles et intéressantes en confinement, en particulier sous la forme de ressources en ligne créées par des enseignants ou des parents et offertes en partage. Mais le déconfinement à venir, peut-être parce qu’il est attendu, moins surprenant que le confinement et par conséquent réfléchi depuis quelques semaines, fait germer des initiatives novatrices. Ainsi, il est beaucoup question de faire l’école le plus possible et plus que jamais à l’extérieur. On envisage par exemple des initiatives de jardins cultivés de manière non synchrone par des petits groupes d’enfants, des familles s’y relayant tour à tour. Il est question d’activités dexploration de l’environnement rural ou urbain comme par exemple par un rallye familial organisé par des enseignants. Mal à l’aise dans ses murs, l’école veut sortir, aller par exemple aussi à la rencontre des générations dans une initiative rapportée d’activités inter-générationnelles, des projets d’entrepreneuriat, etc.  
En dépit des difficultés, de nombreuses initiatives montrent, soit en continuité, soit en créativité, ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui la résilience du milieu alternatif. Résilience, c’est à dire retour « naturel » à ses bases, à ses principes structurants. Cependant, au-delà de ces bonnes nouvelles, deux sujets majeurs d’inquiétude ont été évoqués : 1. le souci pour les moments cruciaux de début et de fin de scolarisation dans une école et 2. le souci pour les élèves fragiles. 
1. Les moments cruciaux de début et de fin de scolarisation dans une école sont ceux de l’accueil de nouveaux élèves pour une rentrée en début d’année scolaire et le départ des élèves ayant fini leur scolarité dans l’établissement. Pour les premiers, la situation actuelle ne permet pas de se projeter précisément dans cet événement important dans la vie des futurs élèves car les contours de la rentrée à la fin de l’été sont encore très flous. Pour les seconds, le temps presse encore plus et on ne sait si on les reverra avant la fin de l’année scolaire qui approche à grands pas.  
2. Les élèves fragiles, ce sont les élèves fragilisés par leurs allures d’apprentissage atypiques, par leurs conditions de vie, etc. Tous ceux qu’on a l’impression de voir s’éloigner, dériver quand ils ne sont plus avec les autres dans l’embarcation. Le défi d’offrir une communauté scolaire inclusive est plus important et difficile dans les circonstances. Maintenir le lien avec eux, comme avec les autres, c’est déjà beaucoup, mais ce lien doit garder sa raison d’être, l’éducation, le projet d’apprendre. Or, les difficultés de ces élèves sont plus évidentes dans la situation actuelle qui, permettant moins de proximité dans l’accompagnement, requiert plus d’autonomie.   
Il n’est pas nécessaire de conclure car cette réunion extraordinaire a surtout été l’occasion d’un point d’étape, d’une respiration à la charnière de deux phases dans la période incertaine que nous traversons. J’en retiens quand même un élément essentiel à mes yeux :  les milieux alternatifs (scolaires pour le REPAQ , mais aussi sociaux comme nombre d’organismes communautaires que je connais) sont ceux qui reprennent leurs esprits, qui se redressent le plus vigoureusement, qui réagissent le plus vite pour s’offrir à nouveau dans la continuité et la créativité, dans l’esprit et les valeurs qui les gouvernent, les activités qui sont leur raison d’être. Ils parviennent ainsi à accomplir ce que nulle injonction extrinsèque, gouvernementale, administrative ou autre ne réussit à obtenir de ses phalanges.  
Ci-dessous, mon rapport - en vidéo - sur les travaux du groupe que j'animais

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