jeudi 24 février 2022

Pédagogie inclusive à l'université : le témoignage d'une étudiante au DESS

(Dans le texte suivant, le féminin est utilisé car les étudiants de nos cours sont très très majoritairement des étudiantes).
La réflexion et le changement pédagogiques avancent à l'université pour un développement plus inclusif. Bien sûr, le chantier est vaste et il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Néanmoins, quand tout le monde y met du sien, même en période de pandémie, il est possible de soutenir la réussite des étudiantes en situation de handicap. 

Il importe d'abord de leur exprimer qu'on est disposé à leur apporter le soutien nécessaire et à leur proposer d'exprimer directement leurs attentes. On découvre alors que la plupart de ces attentes sont assez basiques et sont partagées par d'autres étudiantes du groupe. Celles-ci n'y ont peut-être pas pensé ou cela leur parait moins nécessaire et elles ne l'ont pas explicitement demandé. Mais lorsqu'on met en œuvre ces "attentions", tout le monde en est satisfait. 

Il est aussi profitable de signifier explicitement que l'inclusion, c'est l'affaire de toutes. Que la coopération et l'entraide entre nous (étudiantes et prof) sont la meilleure assurance pour la réussite de chacune. Les modalités pédagogiques mises en œuvre permettent à chacune d'en faire l'expérience probante par des travaux d'équipes structurés, des prises de notes partagées, des exposés réalisés par les étudiantes, etc.

Enfin, un soupçon d'inventivité et de recours à quelques outils et usages technologiques font la petite saveur qui donne le goût d'apprendre, de partager, de s'encourager... 

En fin de parcours (et de réussite !) de son DESS, Sarah Isabel a eu la générosité de mettre par écrit son expérience qui témoigne du cette démarche accomplie ensemble. Elle m'a autorisé à la partager, sous son nom, sur ce blog. Je l'en remercie infiniment.

Le DESS intervention éducative auprès des élèves avec un trouble du développement sur le site de l'UQAM : CLIC !

"Je suis très fière de vous partager mon parcours comme étudiante de deuxième cycle et future diplômée.  Depuis quelques années je rêvais de faire le programme d’intervention éducative auprès des élèves avec un trouble du développement. Cependant, j’avais certaines inquiétudes et réticences à reprendre des études universitaires : à cause de mon parcours académique atypique antérieur, de mes difficultés d’apprentissage, de mon vécu comme immigrante et d’autres handicaps tels que l’anxiété et le trouble de déficit de l’attention. Ces facteurs étaient pour moi sources d’appréhension car je craignais de ne pouvoir réussir. En fait, en ayant toujours vécu dans un régime de normalisation où je devais agir ou paraître comme les autres, cela a fait en sorte que tous ces éléments ont miné ma confiance en moi. Au bout du compte, la crainte de savoir que je devrais mettre les bouchées doubles pour compenser et de gérer la charge mentale impliquée, tout ça m’empêchait de me lancer dans ce précieux projet que je chérissais au moins depuis 10 ans.  

Or, fort heureusement, je suis finalement allée de l’avant et je me suis inscrite. Lorsque j’ai été acceptée, c’était déjà mon premier gain! Certes mon profil académique atypique m’a fait douter, puisque j’avais un baccalauréat par cumul en arts et deux attestations collégiales par reconnaissance des acquis, mais je n’étais ni enseignante, et je ne détenais aucun DEC, comme la plupart de gens qui postulent aux études de deuxième cycle en en éducation. Et ce, sans oublier le fait que le français n’est pas ma langue maternelle et que j’éprouve encore certaines difficultés à cet égard. 

Une fois franchie cette première étape (être acceptée), j’ai me suis inscrite à deux cours pour la session d’automne. Je dois avouer qu’aux premiers cours, je ne me sentais pas à ma place : parler avec les autres étudiantes si bien articulées (la majorité étant enseignantes), m’exprimer auprès d’elles, suivre le rythme… L’anxiété a rapidement monté et, malgré mon traitement pour l’anxiété et le TDAH, je n’arrivais pas à me faire assez confiance et entre voir ma réussite dans le programme. 

J’ai donc interpellé mes deux enseignants et je leur ai fait par de mon état d’âme, de mon manque de confiance et des défis auxquels je faisais face. Ils ont su me rassurer et me guider pour que je n’abandonne pas. Suite à leurs suggestions, je me suis inscrite au bureau de l’inclusion, aux ateliers de français pour les corrections et au tutorat. Ces derniers m’ont été très précieux pour pouvoir aller de l’avant. Par ailleurs, il serait injuste de dire que ma réussite n’est attribuable qu’à ces aides. En fait, les enseignants se sont servis des éléments qui était dans mon propre plan d’intervention pour les mettre à profit dans le cadre de leur cours… donc pour tout le groupe! Concrètement, cela s’est traduit par des explications segmentées et répétées, des partages en grand groupe avec différentes façons d’expliquer les thèmes traités. Les documents nécessaires étaient envoyés aux élèves à l’avance, et j’ai même reçu des articles scientifiques en espagnol!  Quelle belle preuve d’adaptation pour tous. Et il ne s’agissait pas d’adaptations que pour moi, mais accessibles à toutes les autres qui avaient ces mêmes besoins. Mais je dois tout de même vous mentionner que j’ai ressenti que celles qui avaient un rythme plus rapide d’apprentissage se sentaient peut-être ralenties ou infantilisées… mais je me suis dit en moi-même que si elles ne comprenaient pas le principe (d’appliquer des adaptations pour les élèves à besoins particuliers) que faisaient-elles donc dans ce programme? N’est-ce pas la meilleure forme d’apprentissage que d’expérimenter? Mais cette réflexion leur appartient ou bien peut-être je me trompe tout simplement. 

J’ai été si fière à chaque bon résultat, de recevoir des commentaires constructifs, d’être respectée dans ma différence et écoutée! Donc, de la fille qui refusait de parler, de participer en grand groupe, de peur d’être jugée ou d’être à côté du sujet, je peux en témoigner que l’enseignement inclusif à l’université est non seulement possible, mais aussi ça redonne confiance et mène à une véritable réussite!  

Je finis donc mon parcours avec une moyenne de A vers A plus et deux bourses pour étudiante en situation de handicap. Mais surtout, j’en sors remplie de nouvelles connaissances, une meilleure confiance en moi et une fierté que je n’avais jamais ressentie, et ce, grâce au soutien, à l’autodétermination et cet environnement inclusif et bienveillant. 

Merci!

 Sarah Isabel Alfaro


Étudiante au DESS en intervention éducative auprès des élèves avec un trouble du développement

Université du Québec à Montréal

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