mardi 4 octobre 2022

Initiatives inspirantes en éducation

 

 

Mes propos : 10'40 - 12'30 + 27'25 - 29'30 + 44'20 - 45'20 + 1h 03'20 - 1h 04'00

Le texte de mes réponses en cliquant ci-dessous...

Question 1.

D’où vient la volonté de changement et sur quoi s’appuie-t-elle?

 

Faut-il parler de volonté de changement ? N’est-ce pas plutôt de nécessité qu’il faudrait parler ? Chrystine l’exprime très bien : c’est à partir de ce qu’elle observe, de l’évolution du contexte social de l’éducation et des modes de vie et de l’action de l’enfant lui-même que son élan spontané pour le changement trouve sa motivation.

 

La philosophe Hannah Arendt exprime cela de manière paradoxale mais très inspirante :

 « C’est justement pour préserver ce qui est neuf et révolutionnaire dans chaque enfant que l’éducation doit être conservatrice ; elle doit protéger cette nouveauté et l’introduire comme un ferment nouveau dans un monde déjà vieux […]. »

 

Je complèterais le propos de Chrystine en soulignant le fait qu’il convient de partir non seulement des besoins de l’enfant ou de la personne apprenante mais aussi et surtout de son désir, son désir d’apprendre. La définition de besoins s’appuie sur un diagnostic qui risque de figer la personne dans une condition qui appartient toujours déjà au passé. Le désir, celui de l’élève, est ce dont il faut chercher sans cesse l’expression toujours neuve. C’est le moteur de ses apprentissages. Et le désir qui anime la personne pédagogue c’est de rencontrer celui de l’élève à travers la médiation des savoirs.

Alors oui, cela appelle au changement constamment, mais il faudrait préciser que ce n’est pas le changement pour le changement, c’est un changement orienté par une constante créativité, une évolution créatrice comme aurait dit Bergson, qui est la caractéristique fondamentale du vivant.

 

Question 2.

Sur quoi vous êtes-vous basé pour choisir votre stratégie d’intervention?

 

Je souscris pleinement à l’idée de l’interaction comme vecteur de l’apprentissage. L’interaction comme rencontre de l’autre qui vient interroger toute certitude, toute position acquise, toute satiété. L’individu enfermé dans son solipsisme est rassasié, il ne peut désirer apprendre. C’est le questionnement amené par l’interaction avec autrui et la rencontre des imaginaires singuliers qui provoque les apprentissages.

 

Je le vois de la façon la plus nette avec les personnes (enfants, adolescents et adultes) institutionnellement catégorisés comme autistes et vivant avec une déficience intellectuelle ou un autre trouble du développement. C’est précisément parce que ces personnes rencontrent des difficultés à entrer en interaction spontanée avec autrui qu’il convient de les interpeller par des stratégies interactionnelles inventives. La musique est à cet égard une pratique artistique parmi les plus stimulantes.

Je travaille depuis plusieurs années avec les musiciens du groupe APPROSH dont je vais mettre lien dans la discussion (https://appro.sh/). Vous verrez que c’est pour un public plus empêché et plus âgé que celui des enfants de l’école primaire mais le principe reste le même : apprendre en créant du commun par l’interaction musicale.

La danse, l’activité dramatique sont aussi des ressources très intéressantes.

Nous proposons aux étudiantes et étudiants d’expérimenter ces pratiques dans le cadre du cours ASS7123 du DESS en intervention éducative pour les élèves ayant des troubles du développement.

 

Question 3.

Qu’est-ce qui a permis le succès de votre initiative?

 

Dans le propos de Chrystine, j’aime l’idée d’expérience que l’on peut emprunter au philosophe John Dewey. (voir son livre L’art comme expérience). Je relie cela aussi à l’idée de « tentative » qu’utilisait l’éducateur Fernand Deligny lorsqu’il travaillait avec des enfants et adolescents autistes. Ces expressions soulignent le fait qu’il n’y a pas à faire de prescription de copier-coller en matière d’éducation. Chaque situation éducative est absolument singulière. Elle réunit dans un lieu et une temporalité donnée des individus singuliers et changeants. Nous exerçons un métier d’art, un métier où on n’améliore pas une performance, on n’augmente pas une productivité mais où on approfondit son art de faire pour l’approprier toujours plus finement à la diversité des allures de vie et d’apprentissage des élèves.

A travers la musique, il y a comme le dit Chrystine, une opportunité de dévoilement, de découverte de la richesse de personnalité et de créativité des élèves. C’est particulièrement remarquable en ce qui concerne les élèves ayant des troubles du développement qui sont trop souvent vus à travers les diagnostics de limitations et d’incapacités posés sur eux.

Chrystine parle de communion, j’aime cette expression y compris dans sa dimension spirituelle. Mais je pense aussi qu’on peut parler pour la musique d’une activité humaine incontestablement inclusive. En effet, lorsqu’on la pratique en groupe, ce qui résulte de la prestation de chacun, c’est une œuvre musicale totale, aux parties inséparables du tout, dont le tout dépasse qualitativement la somme des parties et que chaque participant doit assumer comme sien.

 

Question 4.

Avec le recul, que feriez vous de manière identique, et à l’inverse quels sont les éléments qui doivent être réévalués?

 

Dans le propos de Chrystine, on voit toute la dimension de socialisation de l’école. On y apprend ensemble, on y apprend pour devenir capable de créer du commun enrichi de la participation de chacun. Ce qui ne veut pas dire faire tous la même chose en même temps. La limitation imposée par le nombre d’instruments disponibles, peut sans doute être l’occasion de se rendre attentif, d’écouter, de maitriser son impatience. Le partage équitable des ressources est une question vive de notre époque dans bien des domaines. Je vois dans cette limitation matérielle inhérente au contexte scolaire une métaphore utile pour l’apprentissage de la maîtrise de soi et de son hybris.

Par ailleurs, nous vivons dans une époque extrêmement bruyante dans la ville, dans les milieux de travail mais aussi dans les médias qui tentent sans cesse d’augmenter la consommation pulsionnelle par des musiques tonitruantes. La musique d’ambiance s’impose partout comme une pollution que personne n’écoute mais dont on consent à souffrir docilement.

Or, il est important d’apprendre à devenir producteur mais aussi auditeur attentif et respectueux de musique.

Avec le groupe APPROSH, le travail se fait essentiellement avec des percussions. Le premier réflexe des nouveaux participants est souvent de frapper très vigoureusement les djembés. Il faut du temps pour apprendre à jouer avec sensibilité, en alternance pour aller vers ce qui flatte l’oreille mais ne l’agresse pas, pour entrer dans un authentique dialogue des instruments, précurseur d’un dialogue verbal pour certaines personnes qui n’y ont pas – ou pas encore – accès.

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