mercredi 2 avril 2025

Entrevue dans le 6 à 9 de Radio Canada Manitoba : "S’occuper des enfants neuroatypiques pendant la semaine de relâche"

 

L'animatrice Patricia Bitu Tshikudi me demande mon avis... je le lui partage bien volontiers. 

Voici le lien pour écouter l'entretien : CLIC !

 

 

 Lire la transcription, c'est ici.... CLIC !

… « Une semaine qui arrive parfois avec son lot de d'efforts et d'organisation pour les parents qu'ils soient en congé ou pas et qui devront donc occuper les enfants au cours des prochains jours et garder ces enfants stimulés durant cette période. Ça peut aussi impliquer son lot d'organisation parfois de stress aussi alors que de nombreux experts interrogés sur la question nous disent que laisser ces enfants s'ennuyer peut être bénéfique pour eux, mais on se demandait ce matin, que se passe-t-il quand on est parent d'enfants neuro divergents ou neuro atypiques ? et on tourne notre question ce matin à Jean Horvais qui est professeur au département d'éducation et formation spécialisées de l'université du Québec à Montréal, il est au bout du fil ; Bonjour monsieur Horvais

 

Bonjour…

 

Monsieur Horvais, c’est toute une question qu'on a pour vous parce que on a tous entendu des experts nous dire que c'est bon pour les enfants de s'ennuyer durant la période de relâche, ça nourrit leur créativité. Or, je suis tombée sur un article de la fondation canadienne pour l'innovation qui disait que pour les enfants et pour les personnes atteintes d'un trouble déficitaire de l'attention par exemple avec hyperactivité, l'ennui ça peut créer une forme de détresse aiguë.  Peut-être nous expliquer un petit peu comment fonctionne le cerveau d'une personne qui vivrait justement avec un trouble de déficitaire de l'attention.

 

Personnellement, je ne suis pas spécialiste de neurosciences mais plutôt de pédagogie mais j'ai un regard éducatif sur ces questions-là. Effectivement en connaissant par ma pratique la diversité des enfants et de leurs allures de fonctionnement, leurs allures d'apprentissage, je pense que on peut mettre à profit la période de relâche pour être plus attentif à les observer dans leur manière de s'orienter vers ce qui relève de leurs intérêts et de les accompagner là-dedans, d’être attentif à ce qu'ils expriment comme capacités. Ce sont souvent des enfants qui sont regardés sous l'angle de leurs incapacités, de leurs manques de leurs limitations… peut-être que la période de relâche ça serait l'occasion justement de les valoriser en observant finement ce qu’ils sont capables de faire et en essayant de suivre la moindre de leur initiative pour l'augmenter, la faire croître.  Je pense en particulier au domaine des arts, à l'intérêt qu'ils peuvent porter à la musique, aux arts visuels, à l'expression créative sous toutes ses formes.

 

Et pour ceux qui ne seraient pas familiers justement avec ce trouble-là, comment ça se caractérise au quotidien, un enfant qui vivrait avec un trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité, par exemple ? comment ça se manifeste ?

 

D'après les observations qui sont faites, y compris par les praticiens, (ça se manifeste) par la difficulté à se centrer sur une activité et à être réceptif, en particulier, aux sollicitations qui sont souvent assez contraignantes du milieu scolaire.  Alors, c'est la raison pour laquelle je me dis que pendant la période des vacances c’est l'occasion de leur offrir l'espace de liberté puis de leur signifier par le fait qu'on les accompagne dans leurs initiatives, leur signifier que ce qu'ils font a de l'importance, qu'on y attaché, qu’on s’y intéresse et qu'ils peuvent prolonger des élans qui sont parfois un petit peu dispersés.

 

Et pour des parents qui auront donc du temps à passer à consacrer à ces enfants, comment est-ce qu'on trouve l'équilibre justement pour à la fois avoir des activités, des options dynamiques intéressantes pour ses enfants et en même temps canaliser justement cette attention sans trop se fatiguer au tournant ?

 

Je n'ai pas de réponse magique mais j'aurais tendance à penser qu’il est peut-être important de les engager dans quelque chose qui relève d'un projet et de ne pas seulement considérer les choses en termes d'activité pour entre guillemets « s'occuper ».  Mais avoir peut-être des choses qui sont un petit peu plus projetées dans l'avenir, donc qui amène forcément l'esprit à se centrer sur cela pour l'intérêt de la création parce que on vise le fait de pouvoir offrir quelque chose à quelqu'un si c'est un dessin, - ça peut être pour quelqu'un de la famille, pour des amis, ça peut être pour une occasion d'une sorte ou d'une autre - et donc le seul fait de se projeter de faire de cela des petits événements dans la vie c'est ce qui permet d'aider à se centrer sur le l'intérêt un petit peu plus durable d'une activité.  

 

J'ai utilisé le mot neuro divergence en introduction pour lancer cette conversation évidemment c'est un mot qui englobe plusieurs manifestations justement de cette propension à la neurodiversité. Quels genres d'autres troubles sont inscrits dans ce mot-là ?

 

C'est difficile aujourd'hui de caractériser très finement toute cette efflorescence de vocabulaire autour de la diversité des fonctionnements, des allures de vie, des allures d'apprentissage des élèves. Souvent on se réfère évidemment au manuel diagnostic bien connu du DSM 5 qui caractérise tout ce qui est d’ordre symptomatique des fonctionnements des personnes.  On place dans ces catégories là l'autisme maintenant qualifié de trouble du spectre de l'autisme pour en montrer la variété, la déficience intellectuelle et cetera. Pour ce qui me concerne je j'envisage les choses plus du point de vue, comme je le disais, pédagogique, éducatif, donc plutôt en me demandant « qu'est-ce qui chez ces enfants, chez ces élèves, chez ces personnes, relève de leurs capacités ? » parce que c'est là-dessus qu'on peut s'appuyer pour les aider à progresser.

 

Ça c'est très intéressant ce que vous dites c'est à dire de regarder justement ce que sont capables de faire les enfants ce qui les intéresse aussi pour ensuite de ça mieux modéliser on va dire des activités ou des choses qu'on voudrait faire avec eux. On a parlé de de d'hyperactivité mais vous avez mentionné aussi l'autisme qui est une réalité qui est qui est vécue aussi par de nombreux enfants de nombreuses familles.  Est-ce que l'approche au niveau des activités qu'on leur propose doit être différente, et de quelle manière sachant qu'on parle aussi ici d'un spectre ?

 

Là aussi c'est c'est très difficile évidemment de généraliser parce que la condition autistique peut revêtir des formes extrêmement diverses mais le principe général est de ne pas s'arrêter aux descriptions symptomatiques qui nous empêcheraient de penser que des évolutions sont toujours possibles, de belles surprises, des développements intéressants. Alors que ce sont souvent des personnes vis-à-vis desquelles on agit en fonction préalable d'un préjugé : « étant donné qu'elles ont ce diagnostic-là, elles ne seront pas capables de s’élever ».  Et puis, quand on quand on laisse tomber un petit peu ces œillères-là, on fait la découverte souvent tout à fait magnifique de voir que ce sont des personnes ou des enfants ou des adultes ou des adolescents qui ont des capacités qui sont souvent insoupçonnées du fait même de leur goût spécifique pour bien des choses tout à fait intéressantes.  Je suis très mêlé au milieu des arts, et en ce domaine je vais de surprise en surprise. Il faut leur accorder la liberté de pouvoir exprimer cela et souvent on est empêché parce que on pense qu'on ne peut pas leur permettre de se mêler aux autres. Mais en réalité quand on fait la démarche d'un accompagnement dans ces différents contextes, - artistique, culturel, sportif, ou autre - on s'aperçoit qu’il y a une adaptation réciproque des enfants qui ont ce diagnostic et des autres.  Ils apprennent réciproquement les uns des autres, ce qui fait que finalement la communauté humaine peut se construire en dépit de ces limitations inscrites dans un diagnostic.

 

En terminant de façon pratico-pratiques, est-ce que vous valorisez davantage une approche structurée dans ce genre de contexte en ayant des programmes d'activités réfléchis ou simplement laisser justement un peu d'ennui et donc de place à la créativité des enfants qu'ils soient autistes ou qu'ils soient par exemple hyperactifs

 

Mon approche elle est surtout inclusive c'est-à-dire en pensant que le fait de pouvoir leur donner l'occasion de se mêler aux autres de se fréquenter réciproquement comme je le disais, c'est ça qui leur permet, qui permet à tous, de progresser dans la compréhension de la diversité humaine, et puis au fond, cette diversité humaine elle est tout à fait normale. Alors il convient évidemment dans ces contextes inclusifs de veiller à ce que chacun soit en sécurité, soit accompagné de la manière qui convient à ses quelques besoins spécifiques.

 

Voilà une occasion en tout cas ce matin justement d'aborder la question puisque c'est une réalité que vivent certaines familles qui nous écoutent. Alors un énorme merci à vous Jean Horvais d'avoir pris la peine de vous prêter à l'exercice avec nous ce matin.  Je rappelle que vous êtes professeur au département d'éducation et formation spécialisées de l'université du Québec à Montréal

 

Merci beaucoup c'est un plaisir, merci, au revoir.

 


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