mardi 3 février 2009

Pédagogie adaptée... à la Souris Verte

L'association "La Souris verte" m'a invité à témoigner dans le cadre d'un "café des parents" consacré à "la pédagogie adaptée, pédagogie différenciée".
Voici les notes qui ont soutenu mon intervention liminaire, la suite, ce furent des échanges dans lesquels j'ai sans doute plus appris qu'apporté.
"C'est un poste d'instit dans lequel il faut désapprendre ce qu'on croyait savoir, et même à certains égards, changer de métier, accepter de perdre les attributs les plus courants de la forme scolaire pour ne conserver que le coeur de métier dans un contexte de rencontre entre cultures professionnelles, un contexte pluridisciplinaire.  En classe, aucun scénario pédagogique n'est prévisible.
Chaque séance est une rencontre.
On sait de quoi on part, quelle situation de départ on propose, quelle activité... on sait même évidemment en vue de quoi on la propose mais ces élèves extraordinaires résistent aux stratégies de l'école industrielle, de l'école où prévaut le souci de l'adéquation à la norme.

Je serais bien incapable d'écrire l'une de ces fameuses fiches de préparation de leçon qu'apprécient certains de nos supérieurs. En revanche, je peux faire le récit aussi minutieux que possible des chemins par lesquels notre leçon a passé : les propositions, hypothèses, vérifications, retours en arrière, intuitions... sinuosités étonnantes et inventives de la chaîne des opérations mentales.
Je crois que mes élèves m'invitent à pratiquer une sorte de pédagogie clinique. ("la démarche clinique vise plutôt, à partir de l’expérience, à alimenter la construction de savoirs nouveaux ou l’intégration et la mobilisation réflexives de savoirs acquis" (Perrenoud, 2001).) ("Dans les métiers de l'humain, on fait des paris, travaille avec l'aléa et le hasard, avec une incompréhension chronique. Dans l'incertitude, on prend cependant une décision, de celle qui noue et dénoue. Dans l'action, on est davantage stratège, c'est-à-dire quelqu'un qui connaît le programme mais est capable de traiter ce qui est hors programme. Être clinicien, c'est précisément partir d'un déjà-là, d'attendus, de repères préalables, et consentir cependant d'être surpris par l'autre, inventer sur le moment, avoir de l'intuition, le coup d'oeil, la sympathie : intelligence et sensibilité de l'instant, travail dans la relation, implication transférentielle d'où un jour, à cette minute-là, dans cet accompagnement, pourra émerger une parole ou un geste qui feront effet, pouvant être repris par l'autre parce qu'il est apte à l'entendre; ça se passe à force de confiance, de persévérance et sans se départir de la croyance en les pulsions de vie alors que semble l'emporter la destructivité." Mireille Cifali http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/cifali/articles/clinique.html)
Le maître doit devenir opportuniste, se saisir de toutes les occasions possibles pour donner à apprendre et à comprendre : la vie quotidienne, l'atelier, un temps en classe, une sortie... tout doit nourrir les apprentissages sous toutes leurs formes : seul, en groupe, avec ou sans outils spécifiques.
Les programmes scolaires sont un paysage sur lequel s'inscrit notre vagabondage. Il est impossible de les parcourir selon l'ordre prévu au risque de piétiner sur un apprentissage momentanément impossible et de se priver d'en réaliser un autre. Seule l'ambition partagée de progresser nous guide. Car l'ambition, il ne faut jamais y renoncer. Pour qu'un jeune demande à apprendre à lire à 17 ans, la seule chose qu'il faut avoir su faire avant, c'est de ne l'avoir jamais découragé et de n'avoir jamais cessé de guetter l'occasion ! cela demande d'avoir parfois su s'abstenir pour garder intact ce capital qui fructifiera un jour.
Je dois aussi penser à ce que mes élèves deviendront dans quelques petites années: de jeunes adultes dans la vie professionnelle et dans la vie sociale. Ainsi, l'accès à la culture, à l'émotion artistique, l'attention à l'actualité du monde qui les entoure... ce sont autant de thèmes qui leur donneront l'occasion d'entrer en relation avec autrui, de parler de ce qui les intéresse et qu'ils connaissent. Les rendre capable de communiquer, de s'informer en utilisant les outils de l'informatique.
Il y a une expression que je récuse : "élèves en difficulté". Qu'ont-ils fait de mal pour qu'ils soient puni et mis en difficulté? Qui a décidé qu'ils devraient souffrir pour apprendre quand la conquête des savoirs devrait être un désir et un plaisir ? On ne les désigne selon cette expression que parce qu'on a en tête une référence normative.
Ils sont simplement comme tous les élèves, ils ont besoin pour apprendre qu'un maître les place dans des situations  leur proposant une difficulté à vaincre. ça oui ! un obstacle tout simplement pour honorer la présomption de leur capacité à le franchir, un obstacle qu'on va les aider à franchir pour qu'ils grandissent et se sentent grandir de l'avoir franchi. ça oui ! C'est tout le contraire du renoncement en quoi consiste l'explication par la capitulation. "Ce sont des élèves en difficulté" sous-entendant : "Avec des élèves comme ça, on ne peut pas faire grand'chose", voire même rien, que de mimer l'école et de s'estimer bien bon d'y avoir consenti !"

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