samedi 20 juin 2009

"Le retard mental" (IUFM de Lyon - UF ASH)

Désolé de commencer avec tant de dureté mais j’ai d’abord envie de tordre le cou à cette expression. Je n’ai aucune légitimité ni compétence à le faire d’un point de vue théorique, du point de vue d’une des sciences médicales – neurologie, psychiatrie par exemple – qui déploient tant d’efforts pour décrire ce dont il s’agit en attendant d’avoir les moyens d’y remédier. Même du point de vue épistémologique, quelles que soient mes préventions en particulier éthiques, je ne m’en donnerais pas le droit.
J’ai envie de tordre le cou à cette expression pour des raisons pratiques, donc pour des raisons pédagogiques voire même philosophiques.

D’un point de vue pratique, donc pédagogique, un savoir théorique sur lequel la pratique ne peut fonder aucune certitude opératoire systématisable quels que soient les sujets concernés est de peu d’utilité.
Le « retard mental » est un concept, il ne se rencontre pas comme un objet, une chose. Il n’a pas de forme chimiquement pure. C’est une notion ; elle est l’objet de représentations qui organisent en catégories ce qui dans le réel est d’une infinie diversité. Le retard mental serait la face sombre, négative et complémentaire du «à l’heure mental », du « ponctuel mental » voire du «en avance mental ». Il est visible dans la pointe de sifflet gauche de la courbe de Gauss du recensement des performances intellectuelles d’une population au sein de laquelle on présuppose que la majorité, c’est la norme. D’un point de vue quantitatif, mathématique et normatif, ça a l’air solide. Si en plus, on peut en indiquer les sources au plan étiologique, le sérieux en sort renforcé.
Le problème du pédagogue, de l’éducateur, de tout un chacun lorsqu’il est mis – ou qu’il se met – en situation de relation avec le porteur du « retard mental », c’est qu’il n’a pas affaire à un point de la courbe de Gauss, à un échantillon représentatif de la population décrite comme caractérisée par le retard mental, il n’a pas affaire à un matricule du bataillon des traîne-savates de l’arrière garde de l’intelligence. Il a affaire à un être humain dont seule importe la connaissance personnelle la plus authentique possible. Il s’agit, comme vis à vis de tout être humain, d’y voir l’autre dans son irréductible complexité et de se tenir face à lui, porteur d’une responsabilité impossible à céder (référence à Lévinas). Dans cette situation, ce vis à vis, ce face à face, il n’y a personne d’autre qui sache mieux ce qu’il faudrait faire à ma place, tout simplement parce que ma place ne peut être la place de personne d’autre à cet instant. Et que même la science ne peut prétendre savoir et m’indiquer ce qu’il faut faire par ses injonctions, tout juste est-elle l’auxiliaire de ma nécessaire réflexion.
Or, dans ce face à face, dans ces face à face, quelle expérience fait-on, et qui en ce sens est commune à toutes les expériences de rencontres ? tout simplement ceci : les facultés mentales, intellectuelles d’autrui, la façon dont il les manifeste au service de la relation établie entre lui et moi sont infiniment variées, d’allures absolument et irréductiblement singulières. TELECHARGER LE TEXTE COMPLET : 090619_Cours_IUFM_ASH_JH

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