C'est vrai que... vu de même...🤯 🤔 😵💫 🧐... mais bon... ne le répétez pas !
"On avait embauché ces enfants sur la base de leurs compétences rares et
particulières. Pour mieux souligner leur qualité, ils avaient été
affectés à des classes spéciales, dites « d’adaptation scolaire » car on
comptait sur leurs compétences exceptionnelles pour ordonner le travail
d’un nombre considérable d’adultes impropres à tout autre emploi en
raison de leur inaptitude à se laisser gouverner par une grande quantité
d’enfants dociles et véloces dans l’apprentissage. Le repérage des
enfants extraordinaires était réalisé le plus précocement possible. Il
s’agissait de n’en laisser perdre aucun tant leur précieuse rareté en
faisait l’inestimable prix. A cette fin, des spécialistes avaient
élaboré des tests extrêmement sophistiqués pour en assurer la détection.
Ils administraient ces tests avec diligence sur la plus large
population infantile possible. Ces spécialistes étaient recrutés sur la
base d’une docte ignorance qui ne leur laissait pas de repos au sujet
des raisons pour lesquelles ceux qu’ils étaient chargés de rechercher
semblaient si extraordinaires. Ainsi, ils ne se lassaient pas de
supputer et d’élaborer des tests de sélection des meilleurs éléments et
de proposer pour les éduquer une diversité foisonnante de méthodes dont
la mystagogie mystifiait toujours plus un public avide de science. Vint
un temps où grâce à ces spécialistes on parvint à embaucher 20% environ
de la population enfantine pour assurer du travail à 30% de la
population enseignante.
Ces enfants particulièrement doués pour
organiser le travail d’adultes qui sans eux auraient sombré dans le
désœuvrement le plus fâcheux opéraient sans l’apparence d’aucune
concertation préalable - encore que cette affirmation puisse être
discutée - et avaient ainsi ordonné que fut mise à leur service
différentes catégories de personnel. Leurs parents, bien que bénévoles,
étaient la première catégorie d’adultes mise en servitude. Le sommeil
de ces derniers, leurs activités diurnes, leurs relations sociales, leur
carrière professionnelle étaient déterminés par les exigences de leurs
jeunes enfants-patrons. Souvent au bord de l’épuisement, il leur fallait
donc une grande quantité de professionnels adjoints, aux fonctions
variées, pour exécuter le programme commandé par les enfants.
Les
enseignantes ensuite étaient tellement mobilisées et éblouies par les
compétences en inventivité comportementale de ces enfants qu'on avait eu
soin de leur adjoindre de nombreux personnels chargés de "donner des
services" comme on disait alors. Ce personnel ancillaire s'épuisait à
déchiffrer les initiatives créatives des enfants afin de leur offrir en
échange une inépuisable batterie de protocoles en tout genres, qui, s'il
ne parvenait pas à endiguer la créativité comportementale de ces
derniers, leur permettait de se perfectionner dans l'art de surprendre
toujours plus ces adultes dévoués.
Plus bas dans la hiérarchie
venaient un nombreux aréopage de personnels détenus dans des bureaux aux
éclairages blafards, blasés par la vacuité de leur action, mais qui
tentaient contre toute raison de se faire une place reconnue en
désorganisant et réorganisant sans cesse le système des places
attribuées à ces enfants extraordinaires. Ils construisaient pour cela
des dispositifs sans cesse plus sophistiqués et déroutants, parfois
spectaculairement dispendieux pour être médiatiquement visibles, mais le
plus souvent, ils se montraient d'une ignoble pingrerie qui avait pour
résultat d'augmenter le nombre d'enfants troublants embauchés dans cet
étonnant projet de société.
Et pendant ce temps, ces enfants
indignes et ingrats, absolument imperméables aux bons soins qu'on avait
pour eux, continuaient sans vergogne à se vautrer avec bonheur dans leur
ignorance de la valeur de l'argent, de l'épargne, du travail, de la
hiérarchie. Ils constituaient au nez et à la barbe de l'ensemble du
corps social astreint au labeur, une aristocratie qui vivaient aux
dépens de celui-ci, dans une insouciance qui ne les faisaient même pas
sentir coupables. C'est assez dire la puissance de leur position
éminente dans la société d'alors.
Gageons que ce règne indolent ne
durera pas toujours et qu'on saura bientôt renverser les choses et tirer
profit de l'inventivité et de la diversité de ces êtres d'exception
afin d'enrichir le corps social de leurs nombreux talents ignorés et
inexploités. Ils pourront ainsi contribuer avec fierté et en toute
équité, selon la diversité de leurs talents et désirs au développement
d'une société inclusive."
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