mercredi 1 janvier 2025

1er janvier 2025 : Félix Turlupin fait de la sociologie dystopique

De son vaisseau lancé dans le futur, mon facétieux correspondant occasionnel jette un regard rétrospectif sur notre société. Voici un extrait de son dernier envoi. 

C'est vrai que... vu de même...🤯 🤔 😵‍💫  🧐... mais bon... ne le répétez pas !

"On avait embauché ces enfants sur la base de leurs compétences rares et particulières. Pour mieux souligner leur qualité, ils avaient été affectés à des classes spéciales, dites « d’adaptation scolaire » car on comptait sur leurs compétences exceptionnelles pour ordonner le travail d’un nombre considérable d’adultes impropres à tout autre emploi en raison de leur inaptitude à se laisser gouverner par une grande quantité d’enfants dociles et véloces dans l’apprentissage. Le repérage des enfants extraordinaires était réalisé le plus précocement possible. Il s’agissait de n’en laisser perdre aucun tant leur précieuse rareté en faisait l’inestimable prix. A cette fin, des spécialistes avaient élaboré des tests extrêmement sophistiqués pour en assurer la détection. Ils administraient ces tests avec diligence sur la plus large population infantile possible. Ces spécialistes étaient recrutés sur la base d’une docte ignorance qui ne leur laissait pas de repos au sujet des raisons pour lesquelles ceux qu’ils étaient chargés de rechercher semblaient si extraordinaires. Ainsi, ils ne se lassaient pas de supputer et d’élaborer des tests de sélection des meilleurs éléments et de proposer pour les éduquer une diversité foisonnante de méthodes dont la mystagogie mystifiait toujours plus un public avide de science. Vint un temps où grâce à ces spécialistes on parvint à embaucher 20% environ de la population enfantine pour assurer du travail à 30% de la population enseignante.
Ces enfants particulièrement doués pour organiser le travail d’adultes qui sans eux auraient sombré dans le désœuvrement le plus fâcheux opéraient sans l’apparence d’aucune concertation préalable - encore que cette affirmation puisse être discutée - et avaient ainsi ordonné que fut mise à leur service différentes catégories de personnel. Leurs parents, bien que bénévoles, étaient la première catégorie d’adultes mise en servitude. Le sommeil de ces derniers, leurs activités diurnes, leurs relations sociales, leur carrière professionnelle étaient déterminés par les exigences de leurs jeunes enfants-patrons. Souvent au bord de l’épuisement, il leur fallait donc une grande quantité de professionnels adjoints, aux fonctions variées, pour exécuter le programme commandé par les enfants.
Les enseignantes ensuite étaient tellement mobilisées et éblouies par les compétences en inventivité comportementale de ces enfants qu'on avait eu soin de leur adjoindre de nombreux personnels chargés de "donner des services" comme on disait alors. Ce personnel ancillaire s'épuisait à déchiffrer les initiatives créatives des enfants afin de leur offrir en échange une inépuisable batterie de protocoles en tout genres, qui, s'il ne parvenait pas à endiguer la créativité comportementale de ces derniers, leur permettait de se perfectionner dans l'art de surprendre toujours plus ces adultes dévoués.
Plus bas dans la hiérarchie venaient un nombreux aréopage de personnels détenus dans des bureaux aux éclairages blafards, blasés par la vacuité de leur action, mais qui tentaient contre toute raison de se faire une place reconnue en désorganisant et réorganisant sans cesse le système des places attribuées à ces enfants extraordinaires. Ils construisaient pour cela des dispositifs sans cesse plus sophistiqués et déroutants, parfois spectaculairement dispendieux pour être médiatiquement visibles, mais le plus souvent, ils se montraient d'une ignoble pingrerie qui avait pour résultat d'augmenter le nombre d'enfants troublants embauchés dans cet étonnant projet de société.
Et pendant ce temps, ces enfants indignes et ingrats, absolument imperméables aux bons soins qu'on avait pour eux, continuaient sans vergogne à se vautrer avec bonheur dans leur ignorance de la valeur de l'argent, de l'épargne, du travail, de la hiérarchie. Ils constituaient au nez et à la barbe de l'ensemble du corps social astreint au labeur, une aristocratie qui vivaient aux dépens de celui-ci, dans une insouciance qui ne les faisaient même pas sentir coupables. C'est assez dire la puissance de leur position éminente dans la société d'alors.
Gageons que ce règne indolent ne durera pas toujours et qu'on saura bientôt renverser les choses et tirer profit de l'inventivité et de la diversité de ces êtres d'exception afin d'enrichir le corps social de leurs nombreux talents ignorés et inexploités. Ils pourront ainsi contribuer avec fierté et en toute équité, selon la diversité de leurs talents et désirs au développement d'une société inclusive."

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